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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/386

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m’a été enlevée par un caprice politique, et une femme m’a été imposée, que je délesterais à jamais, eût-elle même la douceur et la bonté qui peuvent seules rendre une femme aimable à mes yeux. Ma santé s’éteint dès ma première jeunesse, et tout le bonheur qui me reste, c’est de cueillir le peu de fleurs que le court passage de la vie au tombeau pourra maintenant me présenter. Voyez mes joues desséchées, sentez mon pouls intermittent, ayez pitié de moi, et pardonnez-moi, si, lésé et dépouillé dans mes droits comme prince et comme homme, j’éprouve de temps en temps de l’indifférence pour les droits des autres, et me laisse aller au désir de satisfaire mes passions du moment. — Oh ! milord, » s’écria Catherine avec l’enthousiasme qui lui était particulier. « Je vous appellerai mon cher lord… car l’héritier de Bruce doit être cher à tout enfant de l’Écosse… ne me parlez pas ainsi, je vous en conjure ! Votre glorieux aïeul supporta l’exil, la persécution, la famine, les dangers d’une guerre inégale, pour affranchir son pays. Montrez le même courage pour vous affranchir vous-même. Arrachez-vous à ceux qui s’ouvrent le chemin des grandeurs en entretenant vos faiblesses. Méfiez-vous de ce perfide Ramorny ! vous ne le connaissez pas, j’en suis sûre ; vous ne pouvez le connaître. Mais le misérable qui, pour presser une fille de consentir à son déshonneur, osa menacer la vie de son vieux père, est capable de tout ce qu’il y a d’infâme, de tout ce qu’il y a de perfide. — Ramorny a-t-il donc fait cette menace ? dit le prince. — Oui, milord, il n’oserait le nier. — J’y songerai, répondit le duc. J’ai cessé de l’aimer ; mais il a beaucoup souffert pour moi, et il faut que ses services soient honorablement récompensés. — Ses services ! oh ! milord ; si les chroniques disent vrai, de tels services perdirent Troie et donnèrent aux infidèles la possession de l’Espagne. — Paix ! jeune fille ; parlez avec plus de réserve, je vous prie, » dit le prince en se levant ; « notre conférence est finie. — Encore un mot, milord duc de Rothsay, » dit Catherine avec chaleur : tandis que sa belle physionomie ressemblait à celle d’un ange descendu du ciel pour avertir un mortel. « Je ne puis vous dire ce qui m’inspire de parler si hardiment, mais le feu brûle dans mon cœur, et il faut qu’il en sorte. Quittez ce château à l’instant même ; l’air qu’on y respire est funeste pour vous ! Renvoyez ce Ramorny avant que le jour soit plus vieux de dix minutes ! Sa compagnie est très-dangereuse. — Quelle raison avez-vous pour parler ainsi ? — Aucune que je puisse