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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/439

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lice ; et Henri du Wynd eut l’honneur d’être particulièrement remarqué.

« Si tu veux entrer dans ma suite, mon brave garçon, dit Douglas, je changerai ton tablier de cuir en une ceinture de chevalier, et ta maison du bourg en un domaine rapportant cent livres pour maintenir ton rang. — Je vous remercie humblement, milord, » dit l’armurier d’un air abattu ; « mais j’ai déjà trop versé de sang, et le ciel m’en a puni en déjouant le seul projet qui m’avait amené dans la lice. — Comment cela, ami ? demanda Douglas ; n’as-tu pas combattu pour le clan Chattan, et n’avez-vous point remporté une glorieuse victoire ? — J’ai combattu pour ma propre main, » répondit l’armurier avec indifférence ; et cette expression est encore proverbiale en Écosse.

Le roi Robert arriva alors sur un palefroi à l’amble ; il n’avait dépassé la barrière que pour aviser à ce qu’on soignât les blessés.

« Milord de Douglas, dit-il, vous fatiguez ce pauvre homme avec des affaires temporelles, quand il semble avoir peu de temps pour songer aux spirituelles. N’a-t-il pas ici d’amis qui veuillent le transporter dans un endroit où l’on pourra panser et les blessures de son corps, et les plaies de son âme ? — Il a autant d’amis qu’il y a d’honnêtes gens à Perth, dit sir Charteris ; et je me regarde comme un des plus intimes. — Le chien sent toujours le chenil, » dit le hautain Douglas en détournant son cheval. « L’offre d’être armé chevalier par la propre épée de Douglas, l’eut fait revenir des portes de la mort s’il avait eu une goutte de sang noble dans le corps. »

S’embarrassant peu du brocard lancé par l’orgueilleux comte, le chevalier de Kinfauns mit pied à terre pour prendre Henri dans ses bras, car il venait de tomber d’épuisement ; mais il fut prévenu par Simon Glover qui, avec d’autres bourgeois de marque, venait d’arriver dans la lice.

« Henri, mon cher fils Henri ! s’écria le vieillard ; oh ! pourquoi vous êtes-vous fourré dans ce fatal combat ?… Il est mourant… il ne parle plus ! — Si… si ! je peux parler encore, dit Henri… Catherine… »

Il n’en put dire davantage.

« Catherine se porte bien, j’espère ; elle t’appartiendra… c’est-à-dire, si… — Si elle est en sûreté, veux-tu dire, bonhomme, » reprit Douglas qui, quoique piqué du peu d’accueil qu’Henri avait fait à son offre, était trop magnanime pour ne pas s’intéresser à