Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/7

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INTRODUCTION[1]
MISE EN TÊTE DE LA DERNIÈRE INTRODUCTION D’ÉDIMBOURG.


Ici les cendres des rois assassinés dorment sous mes pas ; et là se trouve la scène d’une mort où Marie apprit à pleurer.
Capitaine Majoribanks.


Chaque quartier d’Édimbourg a son illustration particulière, en sorte que la ville renferme dans son enceinte (si vous prenez les habitants au mot sur ce point), autant de monuments historiques que de beautés naturelles. Nos prétentions en faveur de la Canongate[2] ne sont pas les plus humbles ni les moins intéressantes. Le château peut émerveiller par l’étendue de la perspective et la su-

  1. Ce roman a été publié par l’éditeur de la traduction de M. Defauconpret, sous le titre de Jolie Fille de Perth. a. m.
  2. La Canongate est une longue rue d’Édimbourg, faisant suite à la rue dite High-Street, et allant aboutir à l’ancien palais des rois d’Écosse, appelé Holy-Rood.

    Autour de ce vieux château est établie depuis un temps immémorial une colonie de débiteurs insolvables, que les coutumes du pays, restes des temps féodaux, y protègent contre leurs créanciers. L’enceinte s’étend à quatre milles de circonférence au sud de l’édifice ; les murailles qui la circonscrivent se nomment Termini Sanctorum. Le meurtrier, le voleur de grand chemin trouvaient autrefois un refuge dans ce lieu privilégié. La civilisation a restreint ce droit au débiteur.

    Holy-Rood et ses dépendances forment une espèce de royaume isolé, qui se régit par ses propres lois. Une partie des maisons qui en dépendent forme la continuation de la Canongate, l’un des faubourgs d’Édimbourg ; une forêt, des plaines, le beau domaine de Sainte-Anne ; des collines ombragées, et qui abondent en points de vue ravissants ; des jardins bien cultivés, des taillis épais ; les rochers à pic de Salisbury, célèbres par leur beauté pittoresque et sombre, le lac du bourg de Puddingstone, avec ses eaux bleues et limpides, bordées d’une pelouse fraîche et veloutée ; enfin la perspective de cette colline d’Arthur, dont les habitants d’Édimbourg sont fiers comme d’un souvenir de gloire : toute cette variété d’accidents naturels qui prêtent un charme sauvage aux paysages d’Écosse se trouve réunie dans le sanctuaire d’Holy-Rood. Toutefois, quand vous y avez pénétré, tout porte autour de vous un caractère d’incurie, d’abandon, de grandeur appauvrie, de décadence, et de malpropreté.

    Cette triste bourgade n’est séparée du faubourg de Canongate que par un ruisseau : c’est là que se trouvait placée autrefois la croix du sanctuaire, symbole de la limite où commençait le domaine privilégié. Dès que le débiteur a franchi le ruisseau, il a payé ses dettes, il est libre ; mais s’il le repasse, il redevient citoyen de la société légale, et la contrainte par corps peut le frapper et le saisir.

    Un bailli rend la justice dans ce lieu, peuplé de cinq cents habitants ; une dette contractée dans le sanctuaire envers un habitant du même endroit est punissable, mais seulement par ce bailli.

    Lorsqu’un individu se réfugie dans Holy-Rood, les Écossais disent de lui qu’il est dans l’Abbaye, sans doute parce qu’Holy-Rood a été jadis une abbaye avant de devenir une résidence royale. a. m.