Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/102

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quelques uns de ces sons barbares, et peut-être tous, servent à désigner le lieu natal de ces exilés, trop heureux d’être bannis des ténèbres de la barbarie dans le voisinage lumineux de votre présence impériale. — Parle donc, Varangien, au nom du ciel, reprit l’empereur, et apprends-nous si nous devons voir des amis ou des ennemis dans ces hommes de Normandie qui approchent maintenant de nos frontières. Parle avec courage ; et si tu crains quelque danger, rappelle-toi que tu sers un prince capable de te protéger ! — Puisque j’ai la liberté de parler, répondit le garde du corps, et quoique je connaisse peu la langue grecque, que vous appelez romaine, je pense qu’il doit me suffire de demander à Son Altesse impériale, en place de toute indemnité, don ou gratification, puisque son bon plaisir a été de m’en destiner, la faveur d’être placé au premier rang dans la bataille qui sera livrée à ces mêmes Normands et à leur duc Robert ; et si l’empereur veut bien m’accorder l’appui des Varangiens qui, pour l’amour de moi, ou par haine pour leurs anciens tyrans, pourront être disposés à joindre leurs bras au mien, je ne doute guère que je ne termine les longs comptes que nous avons à régler avec ces hommes, de telle sorte que les aigles et les loups de la Grèce leur rendront les derniers devoirs en leur arrachant la chair de dessus les os. — Quelle est donc, mon brave soldat, la cause de cette haine terrible qui, après tant d’années, te met dans une telle fureur au nom seul de la Normandie ? — Votre Altesse impériale en sera juge. Mes ancêtres, et ceux de la plupart des gardes du corps, sont descendus d’une race valeureuse appelée les Anglo-Saxons, qui habitaient le nord de la Germanie. Personne, si ce n’est peut-être un prêtre versé dans l’art de consulter les anciennes chroniques, ne peut deviner combien il y a de temps qu’ils se rendirent dans l’Île de la Grande-Bretagne, alors ravagée par la guerre civile. Ils y passèrent néanmoins à la demande des insulaires, car les habitans du Sud avaient imploré le secours des Angles. Des provinces leur furent accordées en récompense de l’assistance qu’ils avaient libéralement fournie, et la plus grande partie de l’île devint par degrés la propriété des Anglo-Saxons, qui l’occupèrent d’abord divisée en plusieurs principautés, et en dernier lieu comme un seul royaume parlant la langue et observant les usages de la plupart de ceux qui forment aujourd’hui votre garde du corps de Varangiens ou exilés. Avec le temps, les Northmen[1] se firent connaître aux peuples des climats plus méridionaux. On les appelait ainsi parce

  1. Hommes du Nord. a. m.