Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/126

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ses balances dans la société, et me conforme à ces erreurs, mon jugement réel est d’un caractère plus grave et plus digne de l’homme, qu’on dit être formé à l’image de son créateur. — Il n’est guère besoin, dit le Varangien, d’exercer votre jugement sur moi sous aucun rapport ; et je ne désire pas que personne puisse penser de moi autre chose que ce que je suis, c’est-à-dire, un pauvre exilé, qui essaye de mettre sa confiance dans le ciel, et de s’acquitter de ses devoirs envers le monde dans lequel il vit, et le prince au service duquel il est engagé. Et maintenant, respectable seigneur, permettez-moi de vous demander si cette entrevue a lieu d’après votre désir, et dans quel but. Un esclave africain, que j’ai trouvé sur la promenade publique et qui se nomme Diogène, me dit que vous désirez me parler : il a un peu l’humeur goguenarde de Satan, et il pourrait bien avoir menti. S’il en est ainsi, je l’exempterai, pour l’amour de vous, de la volée de coups que je lui dois pour son insolence, et je vous ferai mes excuses d’être venu vous interrompre dans votre retraite, que je ne suis nullement disposée partager. — Diogène ne vous en a point imposé, répondit Agelastès ; il a ses moments de gaîté comme vous le remarquez avec justesse, et il y joint aussi quelques qualités qui le font marcher de pair avec ceux qui ont un plus beau teint et des traits plus réguliers. — Et dans quel but l’avez-vous chargé d’une pareille commission ? est-il possible que votre sagesse entretienne le désir de converser avec moi ? — Je suis observateur de la nature et de l’humanité ; n’est-il pas naturel que je sois fatigué de ces êtres qui sont pétris d’artifice, et qu’il me tarde de voir quelque chose sorti plus fraîchement des mains de la nature ? — Vous ne voyez point cela en moi ; la rigueur de la discipline militaire, le camp et l’armure façonnent à leur guise les sentiments et les membres d’un homme, comme le cancre de mer se trouve façonné par son écaille. Voyez l’un de nous, et vous nous voyez tous. — Permettez-moi d’en douter, et de supposer que dans Hereward, fils de Waltheoff, je vois un homme extraordinaire, quoiqu’il puisse ignorer lui-même, en raison de sa modestie, la rareté de ses bonnes qualités. — Le fils de Waltheoff, » répéta le Varangien frappé d’étonnement… « Est-ce que vous savez le nom de mon père ? — Ne soyez point surpris, reprit le philosophe, de ce que je possède un renseignement aussi simple. Il ne m’en a coûté que peu de peine pour l’acquérir. Cependant, je verrais avec plaisir que l’embarras que je me suis donné à ce sujet pût vous convaincre de mon désir sincère de pouvoir vous donner le nom d’ami.