Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à lui. Mais il y a parmi les Francs des âmes d’une nature différente, et avec qui l’on doit employer des moyens tout différents, si l’on veut diriger leurs actions et les principes qui les gouvernent. S’il m’était permis de le faire, je prierais Votre Majesté de considérer la manière dont un habile jongleur de votre cour s’y prend pour en imposer aux yeux des spectateurs, cachant avec soin les moyens par lesquels il parvient à son but. Ces gens (je veux parler des croisés qui ont le plus d’élévation dans l’esprit, et qui agissent en conformité des doctrines qu’ils appellent les lois de la chevalerie), ces gens méprisent la soif de l’or, et l’or lui-même, si ce n’est pour orner la poignée de leur épée, ou pour subvenir à quelques dépenses nécessaires, et le regardent comme un métal vil et inutile. Ils méprisent et repoussent avec dédain l’homme qui agit par la soif du gain, et le comparent, dans la bassesse de ses vues, au plus misérable serf qui ait jamais suivi la charrue ou manié la bêche. D’un autre côté, s’ils viennent à se trouver dans un besoin pressant d’or, ils sont assez peu scrupuleux pour en prendre dans le premier endroit où ils en trouvent. Ainsi, on ne peut ni les gagner en leur donnant des sommes d’or, ni les rendre souples par la disette, en leur refusant ce que le hasard peut leur rendre nécessaire. Dans le premier cas, ils n’attachent aucun prix au don d’une petite quantité de misérable poussière jaune ; dans l’autre, ils sont accoutumés à s’emparer de ce dont ils ont besoin. — Misérable poussière jaune ! interrompit Alexis… appellent-ils ce noble métal, également respecté du Romain et du barbare, du riche et du pauvre, des grands et des petits, des ecclésiastiques et des laïques, pour lequel toute l’humanité combat, complote, forme des plans, intrigue et se damne corps et âme… du nom injurieux de misérable poussière jaune ! Ils sont fous, Agelastès, complètement fous. Les périls et les dangers, les peines et les châtiments sont les seuls arguments auxquels les hommes qui sont au dessus du mobile qui fait agir tous les autres, puissent céder. — Ils ne sont pas plus accessibles à la crainte qu’à l’intérêt. Ils sont, à la vérité, élevés dès leur enfance à mépriser ces conditions qui poussent des âmes ordinaires ou à marcher en avant par avarice, ou à reculer par crainte. Et cela est tellement vrai, que ce qui attire les autres hommes doit, pour les intéresser, être assaisonné du piquant d’un extrême danger. Je racontais, par exemple, à notre héros lui-même une légende d’une princesse de Zulichium, qui reposait sur une couche enchantée, belle comme un ange, attendant le chevalier favorisé