Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

zance, parut avec toute sa majesté impériale, elle montra, même au moment de sa naissance et au milieu de toute sa splendeur, les signes de cette décadence prochaine à laquelle le monde civilisé, renfermé alors dans les limites de l’Empire romain, tendait imperceptiblement ; et il ne s’écoula pas un grand nombre de siècles avant que ces présages funestes fussent pleinement justifiés.

Dans l’année 1080, Alexis Comnène monta sur le trône impérial : il fut déclaré souverain de Constantinople et de ses dépendances. En supposant que ce prince fût disposé à vivre dans la mollesse, le seul moyen de ne pas être troublé dans son repos, était de se borner à habiter exclusivement sa capitale. Il paraît que sa sécurité ne s’étendait pas beaucoup plus loin que cette distance, et l’on dit que l’impératrice Pulchérie bâtit une église à la vierge Marie, aussi éloignée que possible de la porte de la ville, afin de la garantir du danger d’être interrompue dans ses dévotions par les cris des barbares, et que l’empereur régnant avait construit un palais près du même lieu et dans le même motif.

Alexis Comnène était dans la situation d’un monarque qui tire son importance plutôt de la puissance de la dignité de ses prédécesseurs et de la grande étendue de leurs domaines que des restes de fortune parvenus jusqu’à lui. Cet empereur, qui ne le fut que de nom, ne gouverna pas plus ces provinces démembrées qu’un cheval à moitié mort n’exerce de pouvoir sur ses membres que les corbeaux et les vautours ont déjà commencé à dévorer.

Plusieurs parties de son territoire furent ravagées par différents ennemis qui lui livrèrent des batailles tantôt heureuses, tantôt douteuses ; et de toutes les nations avec lesquelles il fut en guerre, soit les Francs venus de l’Ouest, ou les Turcs de l’Orient, soit les Cumans et les Scythes, lançant du Nord leurs nuées de flèches, soit les Sarrasins et leurs tribus arrivant en foule du Sud, il n’y en avait pas une seule pour laquelle l’empire grec ne fût une proie séduisante. Chacune de ces nombreuses tribus ennemies avait ses habitudes et ses manœuvres de guerre ; mais les Romains (nom que portaient encore les sujets infortunés de l’empire grec) étaient les hommes les plus faibles, les plus ignorants et les plus timides que l’on pût traîner sur le champ de bataille. L’empereur se trouva heureux dans son malheur, quand il reconnut la possibilité de faire une guerre défensive en se servant du Scythe pour repousser le Turc, ou en recourant à ces deux peuples sauvages pour faire reculer le Franc ardent et fougueux, auquel Pierre l’Ermite avait,