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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/296

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étaient supérieurement dressés, arrivèrent au port, s’emparèrent d’une galère dans laquelle ils firent entrer leurs chevaux, malgré toute l’opposition des officiers impériaux du port, et s’éloignèrent de la côte.

D’autres cavaliers n’accomplirent pas si aisément leur projet ; les chevaux et ceux qui les montaient étaient moins accoutumés à continuer si long-temps une marche si incommode, de façon que la plupart des croisés, après avoir rétrogradé pendant trois ou quatre cents pas, crurent en avoir fait assez pour l’accomplissement de leurs vœux ; et, traversant la ville au pas ordinaire, saisirent sans plus de cérémonie quelques vaisseaux qui, malgré les ordres de l’empereur grec, étaient restés sur cette côte. Quelques cavaliers moins habiles éprouvèrent divers accidents ; car, quoique ce fût un proverbe reçu que rien n’est si hardi qu’un cheval aveugle, néanmoins, d’après ce mode d’équitation, où ni cavalier ni cheval ne voyait où il allait, plusieurs chevaux s’abattirent, d’autres allèrent se heurter dans de dangereux obstacles, et les cavaliers eux-mêmes souffrirent beaucoup plus que dans une marche ordinaire.

En outre, ceux qui tombèrent de cheval eussent couru risque d’être tués par les Grecs, si Godefroy, surmontant ses scrupules religieux, n’eût envoyé un escadron pour les tirer d’embarras, ce qui ne fut pas difficile. La plupart des hommes que commandait Tancrède parvinrent néanmoins à s’embarquer, et il n’y eut qu’une ou deux vingtaines de retardataires. Mais, pour traverser la mer, le prince d’Otrante lui-même, et beaucoup d’autres officiers furent forcés de faire le service peu chevaleresque de rameurs. Cette besogne leur parut extrêmement difficile, tant à cause du vent et de la marée, que de leur manque d’habitude. Godefroy, monté sur une hauteur voisine, suivit avec inquiétude leur marche des yeux, et vit avec douleur combien ils avaient de peine à faire leur traversée, peine qu’augmentait encore la nécessité de voguer ensemble et d’attendre les bâtiments moins bien montés qui retardaient de beaucoup ceux qui étaient plus expéditifs. Ils avançaient cependant, et le général des croisés ne doutait pas qu’avant le coucher du soleil ils ne pussent gagner en sûreté la rive opposée.

Il quitta enfin son poste d’observation, après y avoir mis une sentinelle vigilante, avec ordre de venir lui annoncer quand le détachement toucherait le rivage d’Europe. Le soldat pouvait distinguer la flottille à l’œil, s’il faisait jour ; si au contraire la nuit