Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/325

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reconnaissance, il faut donc que nous ayons une confiance implicite, puisque telle est votre volonté, ma mère, quoique les connaissances que j’ai acquises à ce sujet par l’étude et par l’expérience du monde me portent avons dire que cette confiance est bien téméraire ; mais quoique nous puissions toutes deux pardonner à Nicéphore ses erreurs, encore est-il que de l’empereur seul dépendent définitivement le pardon et la grâce. — Ne redoutez pas Alexis, répliqua l’impératrice ; il parlera d’un ton ferme et décidé ; mais s’il n’agit pas au moment même où il prend sa résolution, il ne faut point compter sur lui plus que sur un glaçon à l’instant du dégel. Apprenez-moi, si vous le pouvez, ce que fait actuellement l’empereur, et soyez convaincue que je trouverai moyen de le ramener à notre opinion. — Dois-je donc trahir les secrets de mon père, dit la princesse, pour servir un homme qui agissait si récemment encore comme on ennemi déclaré ? — Ne dis pas trahir, reprit Irène, puisqu’il est écrit : « Tu ne trahiras personne, moins encore ton père et le père de l’empire. » Pourtant, il est encore écrit par saint Luc que les hommes seront trahis par leurs pères et leurs frères, par leurs parents et leurs amis, et par conséquent sans doute aussi par leurs filles ; mais je veux seulement dire, en parlant ainsi, que tu ne nous découvriras des secrets de ton père que ce qui doit nous mettre à même de sauver la vie de ton époux. La nécessité de la circonstance excuse ce qui pourrait autrement être regardé comme irrégulier. — Qu’il en soit ainsi, ma mère ; puisque j’ai consenti, peut-être trop aisément, à soustraire ce coupable à la justice de mon père, je sens que je dois pourvoir à sa sûreté par tous les moyens qui sont en mon pouvoir. J’ai laissé mon père au bas de l’escalier qu’on appelle le Puits de l’Achéron, dans le cachot d’un vieillard aveugle qu’il a nommé Ursel. — Sainte Marie ! s’écria l’impératrice, tu viens de prononcer un nom qui n’a pas été depuis long-temps prononcé en public. — Les dangers qu’il redoute de la part des vivants, dit le césar, l’ont-ils poussé à évoquer les morts ?… car Ursel ne vit plus depuis trois ans. — N’importe, répliqua Anne Comnène, Je vous dis la vérité ; mon père était tout à l’heure en conférence avec un misérable prisonnier qu’il nommait ainsi. — C’est un nouveau danger, continua le césar. Ursel ne peut avoir oublié avec combien de zèle j’ai embrassé la cause de l’empereur contre la sienne ; et dès qu’il sera en liberté, il ne songera qu’à la vengeance. Il faut tâcher de nous mettre en mesure, bien que ce fait augmente notre embarras… Asseyez-vous donc