Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/33

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pas sous le rapport de la valeur ; et d’ailleurs si, comme étrangers et comme membres d’un corps privilégié, les Varangiens étaient quelquefois employés dans des actes arbitraires et impopulaires, il leur était si facile d’inspirer la crainte, qu’ils ne s’inquiétaient nullement du peu d’égards que pouvaient leur montrer les habitants de Constantinople. Le riche costume que portaient les Varangiens à la cour impériale affectait une sorte de ressemblance avec le costume de leurs forêts ; cependant lorsque leur service les appelait au dehors de la ville, on leur donnait des armures et des armes qui avaient une analogie plus réelle avec celles de leur pays : elles avaient beaucoup moins d’éclat et de splendeur, mais en revanche elles avaient une valeur plus effective, et elles étaient plus propres à inspirer la terreur.

Ce corps de Varangiens (nom qui, d’après plusieurs auteurs, était généralement donné à tous les barbares) se composa, dans les premiers temps de l’Empire, de ces pirates du Nord, qui, les premiers, poussés par un caractère aventureux et un mépris des dangers qui jusqu’alors n’avait point eu d’exemple dans la nature humaine, se hasardèrent sur l’élément qui n’offre à l’homme aucun chemin tracé. « La piraterie, » dit Gibbon avec son esprit ordinaire, « était l’exercice favori, le commerce, la gloire et la vertu de la jeunesse Scandinave. Lassés par un climat ingrat et par les limites étroites de leur pays, ils quittèrent le banquet pour voler aux aventures ; ils saisirent leurs armes, firent retentir au loin leur trompette de guerre, s’élancèrent dans leurs barques, et coururent explorer toutes les côtes qui leur promettaient ou des dépouilles ou la conquête de quelque pays où ils pussent fonder quelque établissement[1]. »

Les conquêtes faites en France et dans la Grande-Bretagne par ces sauvages rois des mers, comme on les nommait, ont fait oublier les autres peuple du Nord qui, long-temps avant les Comnène, firent des excursions jusqu’à Constantinople, et purent témoigner de la richesse et de la faiblesse de l’empire grec. Des hordes innombrables accoururent, les unes se frayant un chemin à travers les déserts de la Russie, les autres parcourant la Méditerranée sur des bâtiments pirates qu’ils appelaient des serpents de mer. Les empereurs, saisis de terreur à l’aspect de ces habitants audacieux des zones glacées, recoururent à la politique ordinaire à un peuple ri-

  1. Décadence de l’Empire romain, chap. lv, vol. X, pag. 221, édition in-8o. w. s.