Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crée de Sa Majesté ! — Eh bien ! capitaine, répliqua le Varangien, ne pouvant me permettre de dire librement ma façon de penser sur tout ceci, je présume que je suis peu propre à converser en présence de la cour ; par conséquent j’ai l’intention de ne pas proférer un seul mot, à moins qu’on ne m’y force, et sauf les moments où nous n’aurons pas de meilleure compagnie que nous-mêmes. Pour parler clairement, je trouve très difficile de donner à ma voix un accent plus doux que celui qu’elle a reçu de la nature. Ainsi, mon brave capitaine, je suis muet dès ce moment, à moins que vous ne me fassiez signe de parler. — Et tu agiras sagement. Il y a ici certaines personnes de haut rang, et quelques unes même nées dans la pourpre, qui voudront (Hereward, prends garde à toi !) avec leur haut esprit et leurs manières insinuantes, sonder les profondeurs de ton intelligence barbare. Quand tu verras le sourire gracieux sur leurs lèvres, garde-toi bien d’y joindre tes éclats de rire sauvages, qui retentissent comme le bruit du tonnerre quand tu fais chorus avec tes camarades. — Je vous dis que je garderai le silence, » répéta le Varangien avec un peu plus d’émotion qu’à l’ordinaire. « Si vous vous fiez à ma parole, à la bonne heure ; si vous me prenez pour une corneille qui jase bien ou mal à propos, je suis tout prêt à m’en retourner, et nous en resterons là quant à cette affaire. »

Achille pensa probablement que le parti le plus prudent était de ne pas pousser à bout le soldat ; il baissa tant soit peu le ton, en répondant à un langage qui n’avait guère d’analogie avec celui de la cour ; et il parla avec une sorte de douceur qui semblait annoncer l’intention de montrer quelque indulgence pour les manières grossières d’un homme dont l’égal lui paraissait fort difficile à trouver pour la force et la valeur, même parmi les Varangiens. Ces qualités étaient si remarquables chez lui, qu’Achille ne pouvait s’empêcher de s’avouer intérieurement qu’en dépit de sa rudesse elles seraient appréciées beaucoup mieux que toutes les grâces insignifiantes que peut posséder un guerrier-courtisan.

L’habitué des nombreux détours de la résidence impériale conduisit le jeune Varangien à travers plusieurs cours dépendantes du vaste palais de Blaquernal, et ils entrèrent dans cet édifice par une porte latérale gardée aussi par une sentinelle de la garde varangienne, qui les laissa passer après qu’ils eurent prononcé le mot d’ordre. Dans la pièce voisine, qui servait de salle des gardes, plusieurs soldats du même corps s’amusaient à différents jeux ressemblant assez aux jeux modernes des dames et