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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/95

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rent les saints martyrs et où se passèrent les grands événements détaillés dans le saint Évangile. Mais cet orage, à n’en point douter, avait éclaté et s’était dissipé, et nous espérions bien que le danger avait disparu pour toujours. Ce serait avec une religieuse douleur que nous apprendrions le contraire. — Et c’est cependant ce à quoi il faut nous attendre, reprit le césar. Il est certain, comme on nous l’a rapporté, qu’une masse d’hommes de basse condition et d’une intelligence bornée avaient pris les armes à l’instigation d’un ermite forcené et se dirigeaient sur la route d’Allemagne en Hongrie, s’attendant à voir opérer des miracles en leur faveur, comme lorsque Israël était guidé dans le désert par une colonne de feu ou un nuage. Mais aucune pluie de manne ou de cailles ne vint pourvoir à leurs besoins et les proclamer le peuple choisi de Dieu. Les eaux ne s’élancèrent point du rocher pour les rafraîchir. Ils étaient furieux des souffrances qu’ils enduraient et entreprirent de se procurer des provisions en pillant le pays. Les Hongrois, et d’autres nations sur nos frontières chrétiennes de l’Ouest, bien qu’étant de la même religion, n’hésitèrent point à tomber sur cette canaille désordonnée ; et des tas immenses d’ossements, dans des défilés sauvages et dans les déserts, attestent les rudes défaites qui extirpèrent ces profanes pèlerins. — Nous savions tout cela, répliqua l’empereur ; mais quel nouveau fléau nous menace, depuis que nous en avons évité un si terrible ? — Nous savions tout cela ? répéta le prince Nicéphore. Nous ne connaissions aucun danger réel auparavant, si ce n’est qu’un troupeau d’animaux sauvages, aussi brutes et aussi furieux que des taureaux indomptés, avaient menacé de se diriger vers des pâturages qui leur faisaient envie, et inondaient l’empire grec et son voisinage dans leur marche, comptant que la Palestine avec ses ruisseaux de miel et de lait les attendait de nouveau, comme le peuple prédestiné de Dieu. Mais une invasion si désordonnée ne pouvait inspirer de craintes à une nation civilisée comme les Romains. Ce vil bétail a été épouvanté par notre feu grégeois ; il est tombé dans les pièges et sous les flèches des nations barbares qui, en prétendant à l’indépendance, couvrent notre frontière comme d’une ceinture de fortifications. Cette multitude effrénée a été anéantie par les provisions même qui furent placées sur son passage : sages moyens de résistance, suggérés tout d’abord par les soins paternels de l’empereur, et par sa politique infaillible. Ainsi la sagesse a rempli sa tâche, et la barque sur laquelle l’orage avait lancé sa foudre a échappé au danger malgré toute la violence