Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/125

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il faut laisser à nos voisins d’Hazelside le loisir de faire leurs arrangements pour la nuit avant que je puisse vous donner les moyens de vous évader ; vous aurez un guide sûr, de la fidélité duquel je réponds, pour diriger vos pas à travers ces bois et vous défendre en cas de danger, car il faut tout craindre dans ces jours de trouble. Il nous reste donc encore une heure avant que vous puissiez partir, et je suis convaincue que vous ne pouvez mieux employer ce temps qu’à écouter des malheurs trop semblables aux vôtres, produits également par une passion funeste, malheurs pour lesquels vous ne pouvez manquer de sympathie. »

La tristesse de lady Augusta put à peine l’empêcher de sourire du singulier contraste qu’offraient la hideuse figure de cette victime d’une tendre passion et la cause à laquelle elle imputait ses douleurs : mais ce n’était pas le moment de songer à des railleries qui eussent mortellement offensé la sœur de Sainte-Brigitte, dont elle avait si grand besoin de se concilier la bienveillance. Elle se prépara donc à écouter la religieuse avec une apparence de sympathie qui était la juste récompense de celle que lui avait témoignée sœur Ursule ; tandis que l’infortunée recluse, avec une agitation qui rendait sa laideur encore plus frappante, raconta presque à voix basse l’histoire suivante.

« Mes infortunes commencèrent long-temps avant que je m’appelasse sœur Ursule, et que je fusse renfermée comme novice dans ce cloître. Mon père était un noble normand qui, comme plusieurs de ses compatriotes, vint chercher et trouva fortune à la cour du roi d’Écosse. Il fut nommé à la place de shérif dans ce comté, et Maurice de Hattely ou Hautlieu était compté parmi les riches et puissants barons de l’Écosse. Pourquoi tairais-je que la fille de ce baron, alors appelée Marguerite de Hautlieu, se distinguait aussi entre les plus belles des nobles dames du pays ? Ce ne peut être une vanité blâmable qui me porte à vous l’apprendre, car vous auriez peine à soupçonner maintenant que j’aie pu autrefois avoir une sorte de ressemblance avec la charmante lady Augusta Berkely. Vers ce temps éclatèrent les malheureuses querelles de Bruce et de Baliol, qui ont fait si long-temps le malheur de ce pays. Mon père, déterminé dans le choix d’un parti par les riches parents qu’il avait à la cour d’Édouard, embrassa avec chaleur le parti anglais et devint un des plus fougueux partisans, d’abord de John Baliol, et ensuite du monarque anglais. Aucun des Anglo-Écossais, comme on appelait son parti, ne fut aussi zélé pour la Croix-Rouge, et aucun