Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/154

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Augusta de Berkely ne pouvait s’empêcher de croire que le terrible champion, dont le nom avait été si long-temps le sujet de ses inquiétudes et la terreur de tout le pays, pouvait, d’une manière ou d’une autre, accomplir sa délivrance. Elle fit donc tous ses efforts pour suivre cette espèce de fantôme, et marcha derrière le chevalier comme l’ombre du soir accompagne le paysan attardé.

La pauvre dame souffrait évidemment par suite de la peine qu’elle avait à se donner pour empêcher son palefroi de faire quelque faux pas dans ces sentiers roides et raboteux : le chevalier de la Tombe ralentit en conséquence sa course, regarda d’un œil inquiet autour de lui, et parut se dire à lui-même, quoique probablement avec l’intention que sa compagne l’entendît : « Il n’est pas besoin de tant se hâter. »

Il marcha donc plus lentement jusqu’à l’instant où ils arrivèrent sur le bord d’un ravin. C’était une des nombreuses irrégularités de la surface du terrain ; elle était formée par les torrents improvisés, particuliers à cette contrée, qui, serpentant parmi les arbres et les taillis, creusent une suite de cachettes communiquant l’une avec l’autre, de sorte qu’il n’y a peut-être pas de lieu au monde plus propre à une embuscade. L’endroit où Turnbull, l’habitant des frontières, avait opéré son évasion durant la partie de chasse, présentait un échantillon de cette nature de terrain, et peut-être communiquait-il aux différents buissons et passages par lesquels le chevalier et le pèlerin semblaient diriger leur route, quoique ce premier ravin fût à une distance considérable du chemin qu’ils suivaient alors.

Cependant le chevalier avançait toujours ; mais il semblait plutôt vouloir égarer lady Augusta au milieu de ces bois interminables que suivre aucune route fixe et déterminée. Tantôt ils montaient et tantôt ils semblaient descendre dans la même direction, ne trouvant que des solitudes sans bornes et les combinaisons variées d’une campagne toute couverte de bois. Si telle partie de la contrée paraissait labourable, le chevalier semblait l’éviter soigneusement : néanmoins il ne pouvait diriger sa marche avec tant de certitude, qu’il ne traversât point parfois les sentiers que parcouraient les habitants et les cultivateurs. Ceux ci ne montraient aucune surprise à la vue d’un être si singulier, mais ils ne manifestaient jamais par aucun signe, comme l’observait la dame, qu’ils l’eussent pu reconnaître. Il était aisé d’en conclure que le spectre chevalier était connu dans le pays, et qu’il y possédait des parti-