Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/160

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tellement hors d’haleine par suite soit de sa frayeur, soit de la vitesse avec laquelle on la transportait, qu’il lui fut impossible de proférer des accents intelligibles. Cependant elle sentit bientôt qu’elle était enfermée dans quelque édifice, probablement en ruines ; car, quoi que la manière dont elle voyageait alors ne lui permît plus de reconnaître distinctement la nature du terrain, cependant l’air extérieur, qui tantôt cessait de se faire sentir, et tantôt soufflait par bouffées furieuses, annonçait qu’elle traversait des bâtiments en partie intacts, mais donnant, dans d’autres endroits, passage au vent à travers des crevasses et des ouvertures. En un certain moment, il parut à la dame qu’elle traversait une foule considérable de gens qui tous observaient le silence : parfois néanmoins il s’élevait parmi eux un murmure auquel contribuaient plus ou moins toutes les personnes présentes, bien que le son général ne dépassât point un faible chuchotement. Sa situation lui imposait la loi de faire attention à tout, et elle ne manqua point de remarquer que ces personnes faisaient place à l’homme qui la portait : enfin elle sentit qu’il descendait les marches régulières d’un escalier, et qu’elle était alors seule avec lui. Arrivés, à ce qu’il lui sembla, sur un terrain plus égal, ils continuèrent leur singulier voyage par une route qui ne paraissait ni directe ni commode, et à travers une atmosphère presque suffocante, en même temps humide et désagréable, qu’on eût dit produite par les vapeurs d’une tombe nouvellement ouverte. Son guide lui parla une seconde fois.

« Du courage, lady Augustal encore un peu de courage : continuez à supporter cette atmosphère qui doit un jour nous être commune à tous. Ma situation m’oblige à vous remettre entre les mains de votre premier guide ; je puis seulement vous assurer que ni lui ni personne ne se permettra envers vous la moindre impolitesse, le moindre affront… vous pouvez y compter sur la parole d’un homme d’honneur. »

En prononçant ces mots, il la déposa sur un gazon uni, et, à son extrême soulagement, lui fit sentir qu’elle était revenue en plein air et délivrée des exhalaisons suffocantes qui l’avaient oppressée comme celles qui s’échappent d’un charnier. En même temps, elle exprima à voix basse le désir ardent d’obtenir la permission de se débarrasser du manteau dont les plis l’empêchaient presque de respirer, quoiqu’on ne lui eût entouré la tête que pour l’empêcher de voir la route qu’elle parcourait. Au même moment le manteau fut écarté, et elle se hâta d’examiner la scène qui l’environnait.