Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/223

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musait ici à pêcher et à chercher des nids d’oiseaux il y a sept ou huit ans ; cela ne peut pas être ; Francis n’était qu’un marmouset. — Mais ajoutez sept ou huit ans à la vie de ce jeune garçon, Meg, » dit gravement l’étranger, « et vous aurez l’homme fait qui est maintenant devant vos yeux. — C’est bien vrai ! » dit Meg jetant un coup d’œil sur sa propre figure réfléchie par la surface d’une cafetière de cuivre qui, nettoyée avec soin, lui faisait l’office d’un miroir. « C’est tout-à-fait vrai, il faut que les gens se résignent à vieillir ou à mourir… Mais, Tyrl, car je ne dois plus vous appeler Francis maintenant, je pense… — Appelez-moi comme vous l’entendrez, bonne Meg, dit l’étranger, il y a si long-temps que je n’ai entendu personne me donner un nom qui eût l’air d’une ancienne amitié : cela me semblera plus doux qu’un titre de lord. — Bien donc, M. Francis… si cela ne vous offense pas… : j’espère que vous n’êtes pas nabab[1] ? — Non pas, je puis vous l’assurer, ma vieille amie ; mais quand je le serais, qu’en résulterait-il ? — Rien… seulement je pourrais vous prier d’aller plus loin, où vous seriez plus mal servi. Des nababs, en vérité ! le pays en est infesté. Ils ont fait augmenter le prix des œufs et de la volaille à vingt milles à la ronde… Mais qu’est-ce que cela me fait ?… Ils vont presque tous boire de l’eau là-bas… et il n’en faut pas mal, vous le savez, pour éclaircir leur teint cuivré : leur visage a besoin d’être écuré autant que mes casseroles, que personne ne peut nettoyer si ce n’est moi. — Bien, ma chère Meg, dit Tyrrel ; la conclusion de tout cela est que je reste ici et que j’aurai à dîner. — Pourquoi non ? répliqua mistress Dods. — Et que j’aurai la chambre bleue pour une nuit ou deux, peut-être plus ? — Je n’en sais rien, dit Meg… La chambre bleue est la meilleure, et ceux qui sont près de ce qu’il y a de mieux ne sont pas mal en ce monde. — Arrangez cela comme vous voudrez, dit l’étranger ; je m’en remets à vous, mistress Dods. En attendant, j’irai voir mon cheval. — L’homme charitable, » dit Meg lorsque son hôte eut quitté la cuisine, « a de la charité pour son cheval… Ce garçon-là a toujours eu en lui quelque chose qui n’est pas ordinaire… mais, hélas ! il y a un triste changement dans l’embonpoint de sa figure depuis que je ne l’ai vu… Il ne manquera pas d’un bon dîner, alors, en raison de l’ancienneté de la connaissance : pour cela, j’en réponds. »

Meg se mit, avec toute son activité naturelle, à faire les prépa-

  1. Nabab ou nabod, titre de prince indou ; on l’applique aux Anglais qui reviennent de l’Inde avec une grande fortune. a. m.