Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/285

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quoique j’aie été un peu paresseuse et inconstante depuis un certain temps, que si je m’y mets jamais, ni Émeline ni Éthelinde n’auront fait vendre autant de colifichets et gagné autant d’argent. — Non, Clara, » dit John gravement (car une résolution vertueuse avait pris le dessus dans son cœur tandis que sa sœur parlait ainsi), « nous ferons quelque chose de mieux que tout cela. Si votre aide généreuse ne me tire d’affaire, je couperai court à tout. Il ne s’agit que de quelques plaisanteries à essuyer. Les chiens, les chevaux et tout ce qui s’ensuit sera mis à l’encan ; nous ne garderons que votre petit cheval, et je me contenterai d’une paire d’excellentes jambes. Je travaillerai dans le jardin, dans la forêt ; je marquerai mes arbres, je les couperai moi-même, je tiendrai mes comptes, et j’enverrai Saunders Micklewham au diable. — Cette dernière résolution est la meilleure de toutes, John, et si un pareil jour arrivait, je serais la plus heureuse des créatures… je n’aurais plus un chagrin dans ce monde… Si j’en avais un, vous ne vous en apercevriez jamais. Il demeurerait ici, » dit-elle en pressant la main sur son cœur, « enseveli aussi profondément qu’une urne funéraire dans un sépulcre glacé. Oh ! ne pourrions-nous commencer une telle vie dès demain ? S’il est absolument nécessaire de se débarrasser de ce peu d’argent auparavant, jetez-le dans la rivière, et imaginez-vous que vous l’avez perdu parmi des joueurs ou à des courses de chevaux. — Ma chère petite sœur, dit Movsbray, quelle folie de parler ainsi, et quelle sottise à moi de vous écouter lorsque j’ai mille choses à faire ! Tout ira bien d’après mon plan : s’il ne réussissait pas, nous avons le vôtre en réserve, et je vous jure que je l’adopterai… Quand même je ferais mes réformes dès aujourd’hui, ces cinq cents livres ne changeraient pas grand’chose à notre position. Ainsi nous avons deux cordes à notre arc. Adieu, ma chère Clara. » En parlant ainsi il l’embrassa avec un degré d’affection de plus que de coutume.

Avant qu’il eût relevé la tête, miss Mowbray passa tendrement le bras autour de son cou et lui dit du ton le plus pénétré : « Mon frère bien aimé, le moindre de vos désirs a été et sera toujours une loi pour moi… Oh ! si en retour vous vouliez m’accorder une seule demande ? — Quelle demande ? petite folle, » dit Mowbray en se dégageant doucement. « Que pouvez-vous avoir à demander qui exige une préface si solennelle ?… Rappelez-vous que je hais les préfaces ; et lorsqu’il m’arrive d’ouvrir un livre, je les esquive toujours. — Sans préface donc, mon cher frère, voudrez-vous,