Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

viches, les bonzes, les imans, les moines et les frères mendiants que j’ai vus, moi ?… Mais ce n’est pas ce dont il s’agit ; votre ministre va-t-il beaucoup en société ? — Beaucoup en société ?… jamais ; il ne voit personne, ni chez lui ni ailleurs. Il descend le matin dans une longue robe de chambre en guenilles, comme s’il allait arracher des pommes de terre, et s’assied au milieu de ses livres ; et si on ne lui apporte pas quelque chose à manger, le pauvre homme, il n’aura pas le cœur d’en demander. Bien des fois ou l’a vu rester ainsi dix heures de suite sans rien prendre, jeûnant à en mourir, ce qui est le fait d’un vrai papiste, quoiqu’il ne jeûne, le malheureux, que par oubli. — Eh bien ! en ce cas, madame, votre curé n’est pas une espèce d’homme aussi ordinaire que vous disiez… Oublier son diner !… L’homme doit être fou !… Il dînera avec moi aujourd’hui… et je veux lui donner un dîner qu’il ne puisse oublier de long-temps. — Vous pouvez reconnaître que cela est plus aisé à dire qu’à faire. Le digne homme, à proprement parler, ignore qu’il a une bouche… En outre, il dîne toujours chez lui, c’est-à-dire, quand il lui arrive de dîner, et alors il ne lui faut qu’une écuelle de lait et un morceau de pain, ou encore une pomme de terre froide… C’est là une habitude païenne, pour un aussi brave homme ; car assurément il n’est pas de chrétien qui n’aime ses entrailles. — Oui, cela peut être ; mais j’ai connu bien des chrétiens qui prenaient tellement soin de leurs propres entrailles, ma chère dame, qu’ils n’en avaient plus pour personne… Mais voyons… mettez-vous à l’ouvrage… apprêtez-nous un dîner pour deux, aussi succulent que possible… tenez-le prêt pour quatre heures sonnant… servez-nous le vin vieux du Rhin que j’ai fait venir de Cockburn… une bouteille de mon fameux sherry des Indes… et une autre de votre vieux Bordeaux, du quatrième caveau, entendez-vous, Meg… Ah ! attendez, c’est un ecclésiastique, il faut aussi du Porto. Que tout soit donc prêt ; mais qu’on ne mette pas le vin au soleil, comme cette sotte de Beck l’a fait l’autre jour… Je ne puis aller à la cave moi-même ; mais point de bévues, s’il est possible. — Ne craignez rien, » dit Meg en secouant la tête, « ne craignez rien ; je ne permets jamais à personne de mettre le nez dans ma cave. Mais voilà bien du vin pour deux convives, dont l’un est ministre encore ! — Bah ! folle que vous êtes ! n’y a-t-il pas au bout du village cette femme qui vient de mettre un fou de plus au monde ? Si nous laissons du vin, et que vous le lui envoyiez, s’en trouvera-t-elle plus mal ? — Un bon pot d’ale chaude lui convien-