Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/32

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sens, à ce qu’il me paraît, à vous jeter dans un pays aussi sauvage, et dans un pareil temps… Et vous, camarades, » dit-il en s’adressant aux archers et au reste de la troupe, « il me semble qu’il serait convenable et décent de vous tenir tant soit peu en arrière ; car j’imagine que vous pouvez bien suivre votre route sans avoir besoin d’un ménestrel pour vous distraire. » Les archers obéirent en ralentissant le pas de leurs chevaux ; mais, comme il fut aisé de l’apercevoir, d’après certaines observations qu’ils murmurèrent à demi-voix, ils n’étaient nullement satisfaits qu’on leur ôtât la facilité d’entendre la conversation qui allait avoir lieu : or, voici quelle elle fut.

« Je dois donc admettre, bon ménestrel, poursuivit le chevalier, que vous qui avez, dans votre temps, porté les armes, et qui même avez suivi jusqu’au Saint-Sépulcre la croix rouge de Saint-George, vous vous sentez irrésistiblement attiré, mais sans aucune raison positive, vers des régions où l’épée, quoique toujours renfermée dans le fourreau, est prête à en sortir à la moindre provocation. — Il serait difficile, » répliqua le ménestrel d’un ton brusque, « de répondre par l’affirmative à une semblable question ; et cependant, si vous considérez combien la profession de l’homme qui célèbre les hauts faits d’armes touche de près à celle du chevalier qui les accomplit, Votre Honneur tombera, je pense, d’accord avec moi qu’un ménestrel jaloux de remplir son devoir, doit, comme un jeune chevalier, chercher le véritable texte des grandes aventures là où il peut seulement le trouver, et visiter plutôt les pays où l’on garde le souvenir de nobles actions que ces royaumes paresseux et paisibles où les hommes vivent dans l’indolence, et meurent ignoblement de leur mort naturelle ou par sentence de la loi. Vous et vos pareils, sire de Valence, qui n’estimez rien la vie en comparaison de la gloire, vous laissez conduire votre barque dans ce monde par ce même principe qui attire votre humble serviteur, le ménestrel Bertram, du fond d’une province de la joyeuse Angleterre vers le noir canton de la raboteuse Écosse, appelé le Douglas-Dale. Vous, vous brûlez du désir de rencontrer de glorieuses aventures ; et moi… pardon, si j’ose ainsi me nommer après vous, je cherche à gagner une existence précaire, mais honorable du moins, en conservant pour l’immortalité les détails de ces exploits, et surtout les noms de ceux qui en furent les héros. Chacun de nous suit donc sa vocation ; et il n’est pas juste d’admirer l’un plus que l’autre : s’il y a quelque différence dans les périls