Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/333

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ble que de penser autrement que les autres… Ce cavalier était le comte Étherington. »

Ces paroles, quoique prononcées d’un ton que Mowbray voulait rendre imposant, ne firent aucun effet sur Clara.

« Je souhaite qu’il remplisse mieux le rôle de pair que celui de gentilhomme espagnol, » répondit elle avec nonchalance.

« C’est, repondit Mowbray, un des plus beaux hommes de ces temps-ci ; un homme tout-à-fait à la mode… Il vous plaira quand vous l’aurez vu en particulier. — Qu’il me plaise ou non, cela n’importe guère, reprit Clara. — Vous vous trompez, » répondit Mowbray gravement, « cela importe beaucoup. — Vraiment ! » répondit Clara en riant ; « je dois donc me supposer un personnage si considérable, que mon approbation est nécessaire à l’un de vos hommes à la mode. Il ne peut passer la revue aux Eaux de Saint-Ronan sans cela… Fort bien ! Je déléguerai, en ce cas, mes pouvoirs à lady Binks, pour qu’elle examine le nouveau venu à ma place. — Ce sont des folies, Clara, répondit Mowbray. Lord Étherington vient ici ce matin, et désire faire votre connaissance. J’espère que vous voudrez bien le recevoir, et que vous le traiterez comme un de mes amis intimes. — De tout mon cœur !… mais vous l’engagerez, après cette visite, à rester avec vos autres amis intimes à Saint-Ronan… Vous savez qu’il est convenu entre nous que vous n’amènerez, dans mon domaine, ni chiens, ni fashionables… Les premiers font peur à mon chat, les seconds m’ennuient. — Vous ne me comprenez pas, Clara ; c’est un visiteur fort différent de tous ceux que je vous ai présentés jusqu’à présent… Je compte le voir souvent ici, et j’espère que vous et lui serez meilleurs amis que vous ne le pensez. J’ai pour le souhaiter des raisons que je n’ai pas le temps de vous dire en ce moment. »

Clara garda un instant le silence, et jeta sur son frère un regard inquiet et scrutateur, comme si elle eût voulu lire dans le fond de son âme.

« Si je pensais, » dit-elle d’une voix ferme et calme, après avoir continué cet examen pendant une minute : « mais non ! je ne puis croire que le ciel me destine un tel coup… et encore moins qu’il me soit porté par votre main. » Elle s’avança d’un mouvement rapide vers la fenêtre, l’ouvrit, et revint à sa place avec un sourire contraint. « Que le ciel vous pardonne, mon frère ! vous m’avez épouvantée jusqu’au fond du cœur. — Telle n’a pas été mon intention, » répondit Mowbray, qui sentit qu’il était nécessaire de la