Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/361

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La vérité était que l’honnête homme, après avoir mis les choses sur un bon pied dans l’auberge, autant que mistress Dods l’avait voulu permettre, s’était sagement abstenu de pousser les innovations plus loin, sachant que toute pierre n’est pas susceptible de recevoir le dernier degré de poli. Il s’occupa ensuite de rétablir l’ordre dans la maison du ministre, fit nettoyer le plancher, secouer les tapis et laver les assiettes ; remplit la boîte à thé et le sucrier, donna des robes neuves aux servantes, fit cultiver le jardin et les terres attachées à la mense. Mais ce n’était point assez pour M. Touchwood que de commander dans la maison du pasteur, il aspirait à exercer son empire dans tout le vieux village, et déclarait la guerre à tous les usages nuisibles : ainsi les fumiers qui croupissaient au milieu du chemin furent transportés derrière la maison, les brouettes cassées et les charrettes hors de service n’obstruèrent plus la voie publique… Le vieux chapeau ou le cotillon bleu disparut de la fenêtre où il tenait lieu d’un carreau, et fut remplacé par une bonne vitre transparente. Le pouvoir du bailli lui-même n’était qu’une juridiction inférieure comparée à la soumission volontaire que les habitants accordaient à M. Touchwood.

Il y avait néanmoins des personnes récalcitrantes, qui refusaient de reconnaître l’autorité qu’on leur imposait ainsi, et qui n’adoptaient nullement les réformes que tentait d’introduire M. Touchwood. Le réformateur faillit même un jour être victime d’un de ces abus qu’il ne pouvait déraciner. Un soir qu’il s’en revenait du presbytère, pour éviter de tomber dans un trou à fumier, qui se trouvait devant la maison d’un homme jaloux de suivre les usages de ses pères, il fit un détour considérable, et s’approcha tellement du fossé de l’autre côté de la route, que le pied lui glissa et qu’il roula à une profondeur de trois ou quatre pieds. Mais la fortune veillait sur le pauvre Touchwood : un passant qui l’entendit crier au secours s’approcha avec précaution du bord du fossé, et après avoir reconnu la nature du terrain aussi bien que l’obscurité le permettait, il réussit enfin, non sans beaucoup de peine, à le sortir de l’eau bourbeuse dans laquelle il gisait.

« Vous êtes-vous fait mal ? » demanda le Samaritain à l’objet de ses soins.

« Non, non, de par le diable ! non, » répliqua Touchwood furieux de son malheur et de la cause qui le lui avait attiré. « Croyez-vous que moi, qui suis allé au sommet du mont Athos, à une hauteur de quelques mille pieds au dessus du niveau de la mer,