Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/99

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feu, qui y avait fait tous les ravages possibles ; mais les ruines, qui restaient assemblées par le poids des énormes pierres dont elles se composaient, donnaient encore une idée suffisante de la grandeur d’une famille aux frais de laquelle l’édifice avait été construit, et dont les ossements, depuis un temps immémorial, avaient été déposés dans ses caveaux.

Donnant peu d’attention à ces restes d’une grandeur éclipsée, sir Aymer de Valence s’avançait à la tête de son petit détachement, et déjà il avait dépassé l’enceinte en ruines du cimetière de Douglas, lorsque, à sa grande surprise, le bruit du galop de son cheval parut être répété par celui d’un autre coursier qui remontait rapidement la rue comme venant à sa rencontre. Valence ne pouvait s’imaginer quelle était la cause de ces sons guerriers ; le retentissement et le cliquetis des armes devenaient distincts, et l’oreille d’un chevalier ne pouvait se méprendre au galop d’un cheval de bataille. La peine qu’on avait à empêcher les soldats de sortir la nuit de leur quartier aurait sans doute expliqué suffisamment la présence d’un fantassin courant les rues ; mais il était plus difficile de savoir comment un cavalier armé de pied en cap se trouvait là, car telle était l’apparition qui se montrait à l’extrémité d’une rue dont la pente était rapide : on l’apercevait à merveille, grâce à un brillant clair de lune. Peut-être ce guerrier inconnu put-il en même temps apercevoir Aymer de Valence et les hommes armés qui l’accompagnaient, du moins ils s’écrièrent tous deux : « Qui va là ? » phrase consacrée, et aussitôt la réponse d’une part de « Saint George ! » et de l’autre de « Douglas ! » éveillèrent les tranquilles échos de la petite rue délabrée et les voûtes silencieuses de l’église en ruines. Étonné d’un cri de guerre auquel se rattachaient tant de souvenirs, le chevalier anglais piqua son coursier et descendit au grand galop la route roide et périlleuse qui conduisait à la porte sud ou sud-est de la ville, et ce fut pour lui l’affaire d’un instant que de crier : « Holà ! Saint George ! poursuivez l’insolent coquin, vous tous à la porte ; Fabian, coupez-lui la retraite ! Saint George ! pour l’Angleterre ! En avant, l’arc et la lance ! en avant ! » En même temps sir Aymer de Valence mettait en arrêt sa longue lance qu’il avait arrachée aux mains de son écuyer. Mais le clair de lune avait brillé un instant, puis disparu, et quoique de Valence sentît bien que le guerrier ennemi n’avait point assez de place pour éviter son choc, néanmoins il ne pouvait diriger son coup que par simple supposition, et continuait à galoper dans l’ob-