Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/194

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« A été un mauvais sujet toute sa vie, j’en suis sûr, dit Sharpitlaw. Il était étranger dans ce pays, et était le compagnon de ce misérable scélérat de Wilson, à ce que je crois, Effie ? — Plût au ciel qu’il n’eût jamais vu Wilson ! — Ce que vous dites est bien vrai, Effie, dit Sharpitlaw. Et dans quel endroit Robertson et vous aviez-vous coutume de vous rencontrer ? c’était vers le mont Calton, je crois ? »

Simple et sans méfiance, la pauvre fille, livrée au découragement et à la tristesse, avait suivi jusque là l’impulsion que M. Sharpitlaw lui avait donnée, parce qu’il avait eu l’art de faire des observations analogues aux idées qu’il supposait devoir occuper son esprit ; de sorte qu’en lui répondant elle ne faisait que penser tout haut, ce qu’on peut obtenir assez facilement, par une suite de suggestions adroites, de ceux qui sont naturellement distraits ou dont l’attention se trouve momentanément absorbée par quelque grand chagrin. Mais la dernière observation du procureur fiscal ressemblait trop à une question directe pour ne pas rompre le charme au moment même.

« Que disais-je donc ? » s’écria Effie en se relevant de l’attitude courbée qu’elle avait prise, et se hâtant d’écarter de son visage pâle, mais encore d’une beauté remarquable, les longues mèches de cheveux bruns qui l’ombrageaient. Elle jeta sur M. Sharpitlaw un regard fixe et pénétrant. « Vous êtes trop homme d’honneur, trop honnête homme, dit-elle, pour prendre avantage des paroles qui peuvent échapper à une pauvre créature qui n’est pas sûre d’avoir la tête à elle. Que le Seigneur ait pitié de moi ! — En prendre avantage ! si je le pouvais, ce serait dans votre intérêt, » dit Sharpitlaw d’un ton bénin ; « car je ne connais pas de meilleur moyen de vous servir, Effie, que de mettre la main sur ce coquin de Robertson. — Oh ! n’injuriez pas, monsieur, celui dont vous n’avez pas reçu d’injures ! Robertson ? dites-vous : je n’ai rien pu dire, je ne dirai jamais rien contre aucun individu de ce nom. — Mais si vous lui pardonnez votre malheur, Effie, vous ne devriez pas oublier dans quel chagrin il a plongé votre famille, dit l’homme de loi. — Oh ! que le ciel vienne à mon secours ! s’écria Effie ; mon pauvre père ! ma chère Jeanie !… voilà ce qu’il y a de plus dur à supporter ! Oh ! monsieur, si vous avez la moindre humanité, si vous n’êtes pas tout à fait étranger à la compassion (car tous ceux que je vois ici sont aussi durs que les pierres dont sont formées ces murailles), veuillez, je vous en sup-