Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/226

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qu’on là supposait dans le cas de rendre en sa faveur, lui avait fait remettre la citation ordinaire, ou sub pœnâ, de la cour criminelle d’Écosse, par un officier de justice, pendant qu’il était lui-même en conférence avec son père.

Cette précaution épargna au vieux Deans l’embarras de mettre sa fille au fait de ce dont il était question : il dit donc seulement d’une voix étouffée et tremblante : « Je vois que vous savez de quoi il s’agit. — Ô mon père, nous sommes dans une cruelle position : entre les lois de Dieu et celles de la nature, que ferons-nous, que pouvons-nous faire ? »

Il est bon d’observer ici que Jeanie n’hésitait en aucune façon sur sa comparution devant une cour de justice. Elle pouvait avoir entendu son père discuter ce point plus d’une fois ; mais nous avons déjà remarqué que, accoutumée à écouter avec respect beaucoup de choses qu’elle était incapable de comprendre, elle prêtait une attention patiente aux arguments subtils des casuistes, plus par complaisance que par conviction. En recevant la citation du tribunal, elle n’éprouva donc pas les scrupules chimériques qui avaient alarmé l’esprit de son père, mais toutes ses pensées s’étaient tournées sur le langage que lui avait tenu l’étranger à la butte de Muschat. En un mot, elle voyait qu’elle allait être traînée devant la cour de justice, et qu’elle s’y trouverait dans la cruelle alternative de sacrifier sa sœur en disant la vérité, ou de se parjurer pour la sauver. Son esprit était tellement préoccupé de cette idée, qu’en entendant ces paroles de son père : « Vous savez de quoi il s’agit, » elle s’imagina qu’il avait connaissance du rendez-vous de la butte de Muschat, et elle les appliqua aux conseils qui lui avaient été donnés là d’une manière si menaçante. Elle le regarda avec inquiétude et surprise, et non sans un sentiment d’effroi, que les paroles suivantes n’étaient pas faites, suivant elle, pour dissiper. « Ma fille, dit Davie, j’ai toujours été d’opinion qu’en fait de matières qui peuvent être sujettes aux doutes et à la controverse, chaque chrétien devait se laisser guider par sa propre conscience. Ainsi donc, descendez dans la vôtre, examinez-vous bien, et, quel que soit le parti qu’elle vous permette de prendre, je dirai : Qu’il en soit ainsi. — Mais, mon père, » dit Jeanie dont l’esprit se révoltait contre l’interprétation qu’elle donnait à ce langage, « ceci peut-il être un objet de doute ou de controverse ? Rappelez-vous, mon père, le neuvième commandement : Tu ne rendras pas de faux témoignage. »