Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avant qu’elle fît la rencontre des voleurs, circonstance qui augmenta beaucoup son effroi, puisqu’elle servit à lui prouver que ce qui lui était arrivé était l’effet d’un dessein prémédité contre elle ; mais par qui et dans quel but, c’est sur quoi elle était incapable même de former des conjectures. D’après le style de sa conversation, le lecteur aura probablement reconnu aussi dans cette femme une de ses anciennes connaissances, dont il a été question dans la première partie de cette histoire.

« Taisez-vous, diable de folle, » s’écria Tom qu’elle avait dérangé au moment où il avait trouvé moyen de s’administrer un coup d’eau-de-vie ; « entre les fureurs de votre mère et vos tours de maniaque, un homme vivrait plus tranquille dans la chaudière du diable qu’ici. — Et qui avons-nous ici ? » dit la folle en s’approchant en dansant de Jeanie Deans, qui, bien que remplie de terreur, était attentive à cette scène, résolue de ne rien laisser échapper de ce qui pourrait lui faire connaître sa véritable situation et le genre de danger qu’elle courait. « Et qui avons-nous ici ? » s’écria une seconde fois Madge Wildfire ; « la fille du vieux refrogné whig Douce Davie Deans, dans une grange d’égyptiens et à la nuit close ! c’est là un spectacle à voir vraiment ! Et comment donc ces gens si pieux se trouvent-ils là, et l’autre sœur aussi dans la prison d’Édimbourg ! Quant à moi, j’en suis bien fâchée pour elle ; c’est ma mère qui lui veut du mal et non pas moi, quoique peut-être j’en aie bien autant de raison. — Écoutez, Madge, dit le plus grand des bandits, vous n’avez pas dans le sang la même férocité que votre vieille mère, qui peut bien passer aussi pour la mère du diable. Emmenez cette jeune fille avec vous dans votre chenil, et n’y laissez pas entrer le diable lui-même, quand il viendrait demander asile au nom de Dieu, — Oui, oui, Franck, » dit Madge en prenant Jeanie par le bras et l’emmenant avec elle, « je le veux bien ; car il n’est pas convenable pour de jeunes personnes chrétiennes, comme elle et moi, de rester en société pendant la nuit avec des échappés de Tyburn tels que vous. Ainsi donc, bonsoir, messieurs, je vous souhaite un bon sommeil jusqu’à ce que le bourreau vous réveille : alors le pays sera bien débarrassé. »

Puis, suivant l’impulsion de sa bizarre imagination, elle marcha posément vers sa mère qui, assise au coin d’un feu de charbon de terre dont la lueur rougeâtre éclairait des traits ridés et défigurés par les fureurs de la haine et de la rage, offrait l’image d’Hé-