Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/415

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Grâce ne doit pas être étonnée que je l’aie ressentie à cette époque, et que j’en conserve encore le souvenir. — C’est certainement une affaire dont le souvenir ne peut sitôt s’effacer. J’ai pris la liberté, il y a déjà long-temps, de dire à Votre Majesté ce que j’en pensais, et, certes, il faut que je me sois bien mal exprimé si je n’ai pas réussi à persuader Votre Majesté de l’horreur que m’inspirait un crime commis avec des circonstances si extraordinaires. J’ai pu, à la vérité, être assez malheureux pour différer d’avis avec les conseillers de Sa Majesté sur le degré de justice et de politique qu’il y avait à punir l’innocent au lieu du coupable ; mais j’espère que Votre Majesté me permettra de garder le silence sur un sujet où je n’ai pas le bonheur d’être de la même opinion que des politiques sans doute plus éclairés que moi. — Nous ne discuterons pas un sujet sur lequel nous ne serions probablement pas du même avis, dit la reine ; mais il est un mot que je veux vous dire cependant à vous seul. Vous savez que notre bonne lady Suffolk est un peu sourde. Quand le duc d’Argyle sera disposé à renouer connaissance avec son maître et sa maîtresse, il se trouvera peu de points sur lesquels nous ne nous trouvions d’accord. — Permettez-moi d’espérer, » dit le duc s’inclinant profondément en recevant une assurance si flatteuse, « que je ne serais pas assez malheureux pour être tombé aujourd’hui sur un de ceux-là. — Il faut d’abord que je condamne Votre Grâce à me faire sa confession, dit la reine, avant de lui accorder l’absolution. Quel est l’intérêt que vous prenez à cette jeune fille ? » ajouta-t-elle en examinant Jeanie de la tête aux pieds avec un regard connaisseur ; « elle ne me paraît pas faite pour exciter beaucoup la jalousie de mon amie la duchesse. — J’espère, » répliqua le duc en souriant à son tour, « que Votre Majesté voudra bien m’accorder assez de goût pour m’absoudre de tout soupçon de ce genre dans cette occasion. — Alors, quoiqu’elle n’ait pas précisément l’air d’une grande dame, je suppose que c’est quelque cousine au troisième degré, dans le terrible chapitre de la généalogie écossaise ? — Non, madame, dit le duc ; mais je voudrais que quelques-uns de mes proches parents eussent autant de droiture de cœur, de sensibilité et de qualités estimables. — Du moins elle s’appelle Campbell ? dit la reine. — Non, madame, son nom n’est pas tout à fait aussi distingué, s’il m’est permis de parler ainsi. — Elle vient donc d’Inverary ou du comté d’Argyle. — Elle n’a de sa vie été plus loin dans le nord qu’Édimbourg. — Alors je