Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de mort contre John Porteous, le condamnant à être pendu, en la manière ordinaire, sur la place des exécutions, le vendredi 8 septembre 1736, et tous ses biens-meubles furent confisquées au profit du roi, conformément aux lois écossaises en cas de meurtre volontaire.


CHAPITRE IV.

LE SURSIS.


Il est l’heure, mais l’homme ne vient pas[1].
Kelpie.


Le jour où le malheureux Porteous devait subir la sentence de mort rendue contre lui, la place de l’exécution, quelque spacieuse qu’elle fût, était remplie au point qu’on y étouffait.

Dans toutes les hautes maisons qui en forment la circonférence, dans la rue de Bow[2], rapide et sinueuse, par où passait le fatal cortège en venant de High-Street, il n’y avait pas une fenêtre qui ne fût encombrée de spectateurs. L’élévation extraordinaire et l’air antique de ces maisons, dont quelques-unes avaient appartenu aux Templiers ou aux chevaliers de Saint-Jean, et qui portaient encore aux façades et aux pignons la croix de fer de ces ordres, ajoutaient à l’effet d’une scène déjà si frappante. La place de Grass-Market ressemblait à un lac immense couvert de têtes humaines, au milieu duquel s’élevait l’arbre de mort, haut, noir et sinistre, d’où pendait la corde fatale. Tout objet nous touche en proportion de son usage et des idées qu’il réveille. Ainsi un poteau fiché en terre et un nœud coulant, choses si simples en elles-mêmes, causaient en cette occasion une terreur solennelle et un vif intérêt.

Dans une assemblée si nombreuse, on entendait à peine un mot, un seul mot prononcé à voix basse. La soif de la vengeance s’était un peu apaisée, parce qu’on croyait qu’elle allait être satisfaite ; la populace même, plus calme, plus réservée qu’à l’ordinaire, s’abstenait de joyeuses clameurs et se disposait à jouir de cette scène de représailles avec une satisfaction silencieuse et

  1. Une tradition rapporte qu’un petit ruisseau ayant été changé en torrent par des pluies récentes, on entendit la voix courroucée de l’esprit des eaux prononcer les paroles qui servent d’épigraphe à ce chapitre. Dans ce même moment, un homme poussé par son destin, ou fey, selon l’expression écossaise, arriva au galop et se disposa à traverser l’eau ; les remontrances des assistants ne purent l’arrêter : il se jeta dans le torrent, et il y périt.
  2. Rue de l’Arc, Bow-Street. a. m.