Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/52

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tante de West-Bow[1] pour regagner leurs demeures dans Lawn-Market.

« C’est une chose horrible, mistress Howden, » disait le vieux Plumdamas[2] à sa voisine la mercière, en lui offrant son bras ; « c’est une chose horrible de voir les gens en place à Londres lâcher sur une ville paisible un réprouvé comme ce Porteous ! — Et de penser au chemin qu’il nous ont fait faire inutilement, » reprit mistress Howden en poussant un soupir. « J’avais une si bonne place à une fenêtre tout près de l’échafaud ! Je n’aurais pas perdu une seule des paroles du ministre. Et j’ai payé douze sous pour ne rien voir ! — Je crois, répondit M. Plumdamas, que ce sursis n’eût pas eu lieu sous les anciennes lois écossaises, quand le royaume était un royaume. — Je ne connais pas trop la loi ; mais je sais que, quand nous avions un roi, un chancelier et un parlement à nous, nous pouvions leur jeter des pierres lorsqu’ils n’agissaient pas bien ; mais quels ongles pourraient atteindre jusqu’à Londres ? — Maudit soit Londres et tout ce qui en vient ! » dit miss Grizell Damahoy, vieille couturière. « En nous enlevant notre parlement, ils ont ruiné notre commerce. Nos gens du bon ton croient à peine qu’une aiguille écossaise puisse coudre des manchettes à une chemise, ou une dentelle à une cravate. — C’est vrai, miss Damahoy, reprit Plumdamas, et j’en connais même qui tirent leurs raisins de Londres. C’est de là qu’est venue cette armée de jaugeurs anglais et de douaniers pour nous tourmenter, de sorte qu’un honnête homme ne peut amener le moindre baril d’eau de-vie de Leith à Lawn-Market, sans s’exposer à le voir saisir et à payer l’amende. Je n’excuse pas André Wilson d’avoir porté la main sur ce qui ne lui appartenait pas ; mais s’il n’a pas pris plus qu’on ne lui avait pris, il doit y avoir devant la loi une grande différence entre cette action et le crime de ce Porteous. — Si vous parlez de loi, dit mistress Howden, voici M. Saddletree qui peut vous en parler aussi savamment que pas un homme du métier. »

M. Saddietree, personnage d’un certain âge, à l’air grave, coiffé d’une superbe perruque, et vêtu d’un habit noir fort propre, survint à ces paroles, et offrit poliment son bras à miss Damahoy.

Il n’est pas hors de propos d’apprendre au lecteur que M. Bar-

  1. Nom d’une rue dont la pente est très-rapide. a. m.
  2. Plumdamas, pruneau de Damas. Ce sobriquet désigne un épicier. a. m.