Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 27, 1838.djvu/28

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et la Tees. Le pays présenta dès-lors un si pitoyable aspect, au dire de Guillaume Malmersburg, qu’un étranger, en le voyant, eût versé des larmes, et qu’un ancien habitant ne l’aurait pu reconnaître. Des milliers d’individus appartenant aux dernières classes, et, aussi, un nombre considérable d’Anglo-Saxons et Normands d’illustre naissance, qui avaient encouru la colère du conquérant Guillaume, si prompte à s’allumer et si difficile à s’éteindre, choisirent l’Écosse comme le lieu d’asile le plus sûr.

Malcolm, sachant tout ce que valait la chevalerie normande, accueillit gracieusement les chevaliers ainsi que les Anglais de distinction, et leur distribua avec générosité des emplois, des honneurs et des terres. Entre autres, il donna asile au comte de March, qui, par corruption de ses nom et titre Comes Patricius, s’appela Gosspatrick, quand il fut banni d’Angleterre. À ce puissant baron Malcolm confia le château de Dunbar qu’on pourrait appeler la seconde porte de l’Écosse, si on suppose que la forte ville de Berwick en soit la première. Ce n’est là qu’un exemple entre mille de la confiance que ce monarque écossais accorda aux Normands, et de son désir d’engager à son service d’illustres personnages de cette nation redoutée qui jouissait en ce siècle d’une haute réputation d’habileté militaire et d’invincible valeur.

La conduite que Malcolm Cean-Morh tint par prudence politique fut imitée de sa royale compagne par tendresse pour son pays natal, et par ces sentiments de sympathie que le malheur excite toujours dans le cœur des femmes. Elle fit tout ce qui était en son pouvoir, et influença son mari de tous ses efforts pour secourir dans leur détresse ses compatriotes saxons, qu’ils fussent de haute ou de basse naissance, allégea leurs maux de son mieux, et surtout déploya son zèle à protéger ceux qui s’étaient ressentis du coup fatal que la bataille d’Hastings porta à la royale maison du Confesseur. L’aménité et la douceur de caractère propres à cette aimable reine, probablement aussi l’expérience de sa sagesse et de son bon sens, avaient grand crédit sur Malcolm, qui, quoique conservant un peu de son naturel irascible et féroce, comme roi d’un peuple sauvage, n’était pas, beaucoup s’en faut, insensible aux suggestions de sa tendre compagne. Il soumettait son esprit au sien en matière religieuse, et faisait orner de reliures magnifiques les livres de piété qu’elle affectionnait ; souvent même on le voyait baiser avec respect les volumes où il ne savait pas lire. Il servit encore d’interprète à Marguerite quand elle tâcha de faire