Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/106

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voyageur, j’arrive en ce lieu pour y faire quelques gains ; pouvez-vous me dire si, dans ce château, je pourrais avoir quelques pratiques ?

— Vous venez dans un mauvais moment, sire étranger ; vous devez voir que nous sommes ici dans un séjour de deuil et non dans un marché.

— Mais les temps de deuil conviennent également au commerce, » dit l’étranger, s’approchant toujours plus près de Marguerite, et donnant à sa voix un ton encore plus confidentiel : « J’ai des écharpes noires en soie de Perse, des colliers de même couleur dignes d’orner une princesse portant le deuil d’un monarque, du crêpe de Chypre d’une beauté telle que l’Orient en envoie fort peu qu’on puisse lui comparer, du drap noir pour tentures ; enfin je possède tout ce que le bon goût et la mode ont inventé pour exprimer le chagrin et le respect ; de plus, je sais être reconnaissant envers ceux qui veulent bien m’aider à trouver des pratiques. Allons, bonne dame, pensez à cela. Toutes les belles choses que je possède sont nécessaires dans ce pays ; elles sont aussi bonnes que celles d’un autre marchand, et je les vendrai tout aussi bon marché ; une robe ou une bourse de cinq florins, à votre choix, sera la récompense que je vous destine si vous consentez à me servir.

— Ami, je t’invite à te taire, répondit Marguerite, et à choisir un autre moment pour vanter tes marchandises ; tu oublies le lieu où tu es. Si tu réitères tes importunités, je parlerai à des gens qui te feront voir le côté extérieur de la porte du château. Je suis étonnée que les gardes aient admis les marchands ambulants dans un pareil jour. Je crois, en vérité, qu’ils concluraient un marché jusque sur le lit de mort de leur mère, s’ils devaient y trouver du profit. » En disant ces mots, elle lui tourna le dos avec mépris.

Tandis qu’on le repoussait avec tant d’aigreur d’un côté, notre marchand sentit que d’un autre son manteau recevait un coup léger, mais significatif. Tournant la tête à ce signal, il vit une dame dont le capuchon était disposé avec affectation, pour donner une apparence de tristesse à un visage qui portait naturellement l’empreinte de la gaieté, et qui devait être bien attrayant lorsqu’elle était jeune, puisqu’il n’était pas encore dépourvu d’un certain charme, quoique la dame eût alors plus de quarante ans. Elle fit un signe de l’œil au marchand, portant en