Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/114

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et sans ostentation ; circonstance qui rendait alors sa conduite plus extraordinaire aux yeux de ceux qui le connaissaient. À midi, il arriva à la porte du château, monté sur un coursier fougueux, et, rangeant en bataille un petit corps de vassaux, de pages et d’écuyers qui le suivaient, vêtus des plus riches livrées, il se mit à leur tête, et envoya son neveu vers l’héritière de Garde-Douloureuse pour lui annoncer que le plus humble de ses serviteurs attendait l’honneur de sa présence à la porte du château.

Parmi les spectateurs qui voyaient arriver le connétable, il y en avait qui pensaient qu’il eut été plus convenable de réserver pour lui-même une partie de la splendeur répandue sur son pavillon et sur sa suite, car la simplicité de ses vêtements allait jusqu’à la négligence, et l’ensemble de sa personne n’avait point assez d’élégance et de noblesse pour qu’il pût se dispenser de recourir aux avantages du luxe et de la parure. Cette opinion acquit encore bien plus de force lorsqu’il fut descendu de cheval, car jusqu’à ce moment la manière admirable avec laquelle il gouvernait son noble coursier avait répandu sur sa figure et sur sa personne un air d’aisance, qu’il perdit dès qu’il eut quitté sa selle d’acier. En hauteur, le célèbre connétable atteignait à peine la moyenne taille, et ses membres, quoique robustes et bien pris, manquaient de grâce et d’aisance dans le mouvement. Ses jambes étaient légèrement arquées, ce qui lui donnait un avantage comme cavalier, mais cet avantage était un défaut choquant lorsqu’il était à pied ; il boitait un peu : cette infirmité venait de ce qu’en tombant de cheval il s’était cassé une jambe, qu’un chirurgien inexpérimenté lui avait mal remise. Cela nuisait à sa démarche ; et quoique ses épaules carrées, ses bras nerveux, sa large poitrine annonçassent la force qu’il déployait si souvent, cette force était dépourvue de grâce et d’adresse. Son langage et ses gestes étaient ceux d’un homme peu habitué à converser avec ses égaux, et encore moins avec ses supérieurs ; ils étaient concis, tranchants et brusques, allant presque jusqu’à la dureté. Si l’on s’en rapportait au jugement de ceux qui étaient dans l’intimité du connétable, il y avait dans son regard vif et ouvert de la bienveillance et de la dignité ; mais ceux qui le voyaient pour la première fois le jugeaient moins favorablement, et prétendaient découvrir dans ce regard une expression de dureté et de colère, quoiqu’ils trouvassent cependant dans l’ensemble de son air quelque chose de martial et de hardi. Il n’avait pas plus de quarante-cinq ans ; mais