Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/120

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du château ; mais Éveline la repoussa, en lui disant : « Pourquoi cet empressement à offrir vos services, jeune fille, lorsqu’on ne vous les demande pas ?

— Êtes-vous donc fâchée contre moi, milady ? dit Rose.

— Sans doute, répliqua Éveline ; et ce n’est pas sans motif. Vous savez dans quelles circonstances difficiles je me trouve ; vous savez ce que le devoir exige de moi ; et, cependant, au lieu de m’aider à accomplir le sacrifice qu’il m’impose, vous semblez vouloir accroître les obstacles que je puis avoir à surmonter.

— Ah ! plût au ciel que j’eusse assez d’influence sur vous pour vous diriger dans la route que vous devez suivre ! dit Rose ; vous la trouveriez facile, et, qui plus est, droite et honorable.

— Que voulez-vous dire, jeune fille ? repartit Éveline.

— Je voudrais, dit Rose, vous voir révoquer l’encouragement, je pourrais même dire le consentement que vous avez donné à ce fier baron. Il est trop grand pour inspirer de l’amour, trop fier pour vous aimer comme vous le méritez. Si vous l’épousez, vous faites alliance avec le malheur en habits dorés, peut-être même avec le déshonneur et le regret.

— Rappelez-vous, demoiselle, les services qu’il nous a rendus.

— Ses services ? dit Rose : il a exposé sa vie pour nous, c’est vrai ; mais chaque soldat de son armée n’en a-t-il pas fait autant ? Et suis-je forcée d’épouser le premier qui s’avisera d’en avoir envie, parce qu’il a tiré l’épée quand la trompette a sonné la charge ? De quelle manière entendent-ils donc ce mot de devoir dont ils se servent, ceux qui n’ont pas honte de venir réclamer la plus haute récompense qu’une femme puisse accorder, et seulement pour avoir fait ce que tout gentilhomme doit à une créature dans le malheur ? Un gentilhomme, ai-je dit ? le plus grossier paysan flamand s’attendrait à peine à des remercîments pour avoir rempli envers une femme un pareil devoir d’humanité.

— Mais les désirs de mon père ?

— Ils étaient sans doute subordonnés à l’inclination de sa fille… Je ne ferai pas à mon noble seigneur (que Dieu veuille absoudre) l’injure de supposer que, dans la circonstance la plus importante de votre vie, il eut voulu forcer votre choix.

— Mais mon vœu, mon vœu fatal ? hélas ! je peux l’appeler ainsi. Puisse Dieu me pardonner mon ingratitude envers ma patronne !

— Ceci même ne m’arrête pas, dit Rose : je ne croirais jamais