Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/126

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marche de leur jeune maîtresse, en l’accompagnant à quelque distance du château, où le cortège rencontra le connétable, qui, avec trente lances, se proposait d’escorter Éveline jusqu’à Gloucester, lieu de sa nouvelle demeure. Sous sa protection, il n’y avait aucun danger à craindre, quand même la défaite terrible que les Gallois avaient si récemment éprouvée n’aurait pas rendu impossible pendant quelque temps toute entreprise de leur part contre la tranquillité des frontières.

Suivant cet arrangement, qui permettait aux hommes d’armes faisant partie de l’escorte d’Éveline de retourner à la garde du château, le connétable l’attendait sur le pont fatal, à la tête d’une troupe brillante de cavaliers d’élite. Les deux troupes s’arrêtèrent comme pour le saluer, mais le connétable, remarquant qu’Éveline s’enveloppait davantage de son voile, et se rappelant la perte qu’elle avait si récemment essuyée dans cet endroit même, eut assez de jugement pour se borner à la saluer en silence, mais en s’inclinant si bas, que les plumes de son casque (car il était revêtu de son armure complète) vinrent se mêler à la crinière flottante de son beau cheval. Wilkin Flammock s’arrêta aussi pour demander les ordres de la jeune châtelaine.

« Je n’en ai pas à vous donner, bon Wilkin, si ce c’est de continuer à être aussi fidèle, aussi vigilant que vous l’avez été.

— Les qualités d’un bon chien de garde, jointes à une espèce de sagacité grossière, à un bras vigoureux au lieu d’un double rang de dents aiguës, voilà, dit Flammock, mes prétentions. Je ferai de mon mieux. Adieu, Roschen. Tu vas vivre avec des étrangers : conserve les qualités qui te firent aimer des tiens. Que les saints te bénissent ! Adieu. »

L’intendant s’approcha alors pour prendre congé ; mais, en s’avançant, il faillit être victime d’un accident fatal. Il avait plu à Raoul, qui était bizarre et fantasque de caractère, et sujet aux rhumatismes, de monter un vieux cheval arabe qu’on avait gardé pour la race : ce cheval était aussi maigre et presque aussi infirme que son maître, et d’un naturel aussi vicieux qu’un démon. Il y avait entre le cavalier et l’animal une constante mésintelligence qui, de la part de Raoul, éclatait par des jurons, par la manière dont il tirait la bride à lui, et surtout par de vigoureux coups d’éperons, auxquels Mahond (nom du cheval) répondait par des courbettes et des ruades, en employant tous les moyens possibles pour démonter son cavalier et détacher des ruades à ceux qui