Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/177

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ou non, sans avoir égard à la foule qui l’entourait, et dont il attirait l’attention par la singularité de sa conduite.

Raoul portait un véritable intérêt à Damien ; la principale raison en était peut-être que, depuis quelque temps, sa femme parlait de lui avec moins de respect qu’elle ne faisait en général pour les jeunes gens d’un beau physique. D’ailleurs il avait appris que ce jeune homme était un second sir Tristrem dans les jeux champêtres des bois ou des rivières, et il n’en fallait pas plus pour lier le cœur de Raoul avec une chaîne d’acier. Il vit avec peine que la conduite de Damien attirait l’attention générale et était en quelque sorte ridiculisée.

« Il se tient, » dit le bouffon de la ville, qui s’était mêlé à la foule, « comme l’âne de Balaam dans le mystère, quand il voit ce que lui seul peut voir. »

Un coup de fouet de Raoul le récompensa de cette heureuse comparaison, et le fou alla en hurlant chercher un auditoire plus favorable à sa plaisanterie. Raoul s’empressa d’arriver jusqu’à Damien, et, d’un ton bien différent de sa causticité ordinaire, le pria, pour l’amour de Dieu, de ne pas se donner en spectacle au public en restant fixé là comme si le diable était assis sur la porte, mais d’entrer, ou, ce qui vaudrait mieux, de se retirer et d’ajuster ses vêtements plus convenablement pour assister à une solennité qui touchait de si près sa maison.

« Et que trouvez-vous à redire à mes vêtements, vieillard ? » dit Damien, se retournant avec sévérité, comme un homme dont la rêverie a été interrompue brusquement.

« Avec tout le respect que je dois à votre valeur, reprit le chasseur, les hommes ne mettent pas ordinairement de vieux manteaux sur des habits neufs, et il me semble que le vôtre ne s’accorde pas avec votre habit et qu’il ne convient pas à cette noble cérémonie.

— Tu es un fou, reprit Damien, et ton esprit est aussi vert que ta tête est grise : Ne savez-vous pas que maintenant les jeunes et les vieux s’allient… s’unissent… s’épousent ?… et il faut qu’il y ait autant d’accord dans nos vêtements que dans nos actions.

— Pour l’amour de Dieu, milord, dit Raoul, ne prononcez pas ces paroles insensées et dangereuses ! D’autres oreilles que les miennes pourraient les entendre, elles pourraient être rendues par de pires interprètes. Il peut y en avoir ici qui trouvent du mal dans les moindres mots, comme je découvrirais un daim par ses