Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/280

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cri du corbeau qui paraissait regretter la fin du carnage qui lui avait fourni une ample nourriture, et de temps à autre le hurlement plaintif et prolongé de quelque chien privé ; mais on n’entendait aucun bruit qui indiquât le travail ou les occupations domestiques.

Les pèlerins qui, fatigués, traversaient ces scènes de désolation, avaient une figure conforme à la tristesse du lieu où ils se trouvaient. Ils ne se parlaient pas, ni ne se regardaient… mais le plus petit des deux précédait d’un demi-pas son compagnon ; ils cheminaient lentement, comme des prêtres qui reviennent du lit de mort du pécheur, ou plutôt comme des ombres qui errent autour d’un cimetière.

Enfin ils atteignirent un tertre de gazon, sur le haut duquel était placé un de ces réceptacles funéraires pour les anciens chefs bretons de distinction ; ils sont composés de fragments de granit, placés debout, de manière à former une espèce de cercueil en pierre. Le sépulcre avait été violé depuis long-temps par les Saxons victorieux, soit en signe de mépris, soit par une oisive curiosité, soit enfin parce qu’on supposait qu’il y avait des trésors qu’on cachait quelquefois en pareil lieu. La grande pierre plate qui jadis était le couvercle du cercueil, si on petit le nommer ainsi, était brisée, et les fragments éparpillés et tout couverts de mousse et de lichen, indiquaient que le couvercle était à cette place depuis bien des années. Un vieux chêne penché et desséché étendait encore ses branches sur le mausolée ouvert et grossier, comme si le signe et l’emblème des druides, brisé et foudroyé par l’orage, se penchait encore pour offrir sa protection au dernier reste de leur adoration.

« Voici donc le Kist-waen ? dit le plus petit des deux pèlerins ; et il faut que nous attendions ici les nouvelles de notre envoyé. Mais, Philippe Guarine, quelle explication recevrons-nous sur le ravage du pays que nous venons de traverser ?

— C’est sans doute quelque incursion des loups gallois, milord, reprit Guarine ; et de par Notre-Dame, voici un pauvre mouton saxon qu’ils ont happé. »

Le connétable (car c’était celui qui marchait le premier) se retourna en entendant son écuyer, et vit le corps d’un homme si bien caché dans l’herbe haute, qu’il avait passé sans apercevoir ce que l’écuyer moins distrait n’avait pas manqué de remarquer, l’habit de cuir du défunt annonçait que c’était un paysan anglais.