Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prince qui s’avançait avec la même ardeur. Avant que leurs armes se rencontrassent, un champion gallois, dévoué comme les Romains qui frappaient les éléphants de Pyrrhus, trouvant que le fer qui couvrait le cheval de Raymond résistait aux coups répétés de sa lance, se jeta sur l’animal et lui plongea son couteau dans le ventre. Le noble coursier se cabrant tomba, écrasant sous son poids le Breton qui l’avait frappé. Le fer qui soutenait la visière de Raymond s’étant brisé dans la chute, le casque se détacha et roula dans l’arène, laissant privés de défense la figure noble et les cheveux gris du chevalier. Celui-ci fit plus d’un effort pour se dégager ; mais avant d’y parvenir, il reçut la mort des mains mêmes de Gwenwyn, qui n’hésita pas à frapper son ennemi renversé.

Tant qu’avait duré ce combat, le cheval de Denis Morolt s’était constamment tenu près de celui de Raymond, et le brave vieillard, au milieu du carnage, suivait l’exemple de son maître. Il semblait qu’ils n’obéissaient tous les deux qu’à une seule et même volonté. Denis ménageait ou prodiguait ses forces, imitant exactement Raymond, et il allait à ses côtés quand il fit le dernier effort, dont le résultat lui fut si funeste. Au moment même où Berenger se précipitait sur le chef, le brave écuyer s’élançait vers l’étendard, et l’ayant saisi avec violence, luttait, pour s’en emparer, avec un gigantesque Breton, à la garde duquel il avait été confié, et qui usait alors de toute sa force pour défendre son dépôt. Mais dans ce combat mortel, Morolt avait toujours les yeux dirigés vers son maître, et lorsqu’il le vit tomber, sa force sembla l’abandonner comme par sympathie, et le Breton qui le combattait le rangea facilement au nombre des morts.

La victoire des Gallois était alors complète. Voyant leur chef privé de vie, les soldats de Raymond auraient volontiers pris la fuite ou auraient même consenti à se rendre. Mais le premier moyen était impraticable tant ils étaient serrés de près ; et dans les guerres cruelles soutenues par les Gallois sur leurs frontières, jamais ils ne songeaient à épargner les vaincus. Quelques hommes d’armes furent assez heureux pour se dérober au carnage ; mais n’essayant pas de rentrer au château, ils s’enfuirent dans différentes directions, et firent partager leurs craintes aux habitants des frontières, en annonçant la perte de la bataille et la fin tragique du célèbre Raymond Berenger.

Les archers du malheureux chevalier qui ne s’étaient point trouvés aussi engagés dans le combat que la cavalerie, qui en