Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/67

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divins étaient alors rendus, celle dont la beauté inspirait les chants des ménestrels, et dont les yeux étaient l’étoile polaire de la moitié des braves chevaliers des frontières du pays de Galles, Éveline enfin ne devait point répandre sur la mort de son père les larmes stériles d’une humble villageoise. Quoique très-jeune, la catastrophe dont elle avait été témoin, quelque horrible qu’elle fût, ne devait point lui inspirer autant d’horreur qu’elle en eût causé à une jeune vierge dont les yeux n’auraient pas été accoutumés à contempler les jeux austères et quelquefois sanglants de la chevalerie, qui n’aurait point habité dans des lieux où la guerre et la mort étaient souvent le seul entretien des hommes, dont l’imagination n’eût pas été familiarisée avec des aventures cruelles et sanglantes, ou enfin qui n’eût point été élevée à considérer une mort donnée sur le champ de bataille comme plus désirable pour un guerrier que le trépas languissant et sans gloire qui termine une vieillesse imbécile et caduque. Bien qu’elle pleurât un père si digne d’être aimé, Éveline sentit son courage s’enflammer en se rappelant qu’il était mort en héros, comme il avait vécu, et sur les corps sanglants de ses ennemis immolés ; et pensant alors aux conjonctures fâcheuses où elle se trouvait, elle prit l’invariable résolution de défendre sa propre liberté, et de venger la mort de son père par tous les moyens que le ciel lui avait laissés. Elle n’oublia point le secours de la religion, et, suivant l’usage des temps et les doctrines de l’Église romaine, elle s’efforça de s’attirer les faveurs du ciel par des vœux et des prières. Dans un petit oratoire, à côté de la chapelle, un portrait de la Vierge était suspendu au-dessus d’un maître-autel sur lequel une lampe était constamment allumée. Cette image était regardée par la famille de Berenger comme la divinité protectrice du château ; elle avait été apportée de la terre sainte par un des ancêtres de Raymond qui s’y était rendu en pèlerinage. C’était une peinture grecque du Bas-Empire, semblable à celles qui, dans les pays catholiques, sont souvent attribuées à l’évangéliste saint Luc. L’oratoire dans lequel cette peinture se trouvait placée, était regardé comme un lieu sanctifié : on allait même jusqu’à dire que des miracles y avaient été opérés. Et Éveline, par les guirlandes de fleurs dont elle ornait l’autel et les prières constantes qu’elle adressait à la Vierge, honorait d’un culte particulier Notre-Dame de Garde-Douloureuse, car c’était ainsi qu’on nommait le tableau.

Quittant sa suite, Éveline se dirigea seule et à la dérobée vers