Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/88

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et il est probable que Gwenwyn vit cette interruption avec autant de plaisir qu’elle en causa à la garnison épuisée du château ; car ce chef pouvait craindre que la perte considérable qu’il avait éprouvée n’affaiblît le courage de ses soldats.

Bientôt dans le camp des Gallois retentirent des cris de triomphe, car la perte qu’ils venaient de supporter était effacée par le souvenir de la célèbre victoire qui avait précédé l’attaque, et les malheureux assiégés pouvaient entendre du haut de leurs remparts les ris, les chansons, le son des harpes, les cris d’allégresse que les Gallois faisaient entendre en l’honneur de leur triomphe futur.

Le soleil avait quitté l’horizon depuis quelques instants, le crépuscule devenait plus sombre, le ciel était bleu et sans nuage, et des étoiles innombrables ornaient le firmament : une gelée légère ajoutait encore à leur éclat, quoique la reine des astres et de la nuit fût encore dans son premier quartier. Les travaux de la garnison étaient considérablement aggravés par l’obligation où se trouvaient les assiégés d’avoir sur pied une troupe nombreuse et attentive, ce qui s’accordait mal avec l’épuisement de leurs forces ; et cette obligation était telle, que ceux qui avaient été blessés le plus légèrement se trouvaient forcés de prendre part au danger, malgré leurs blessures. Le moine et Flammock, entre lesquels régnait alors le plus parfait accord, firent ensemble vers minuit le tour des murailles, exhortant les gardes à exercer la plus active vigilance, et examinant eux-mêmes l’état de la forteresse. Comme ils continuaient cette ronde et montaient à une plate-forme élevée par un escalier étroit et inégal qui retardait la marche du bon père, ils aperçurent sur la hauteur vers laquelle ils se dirigeaient, au lieu de la cuirasse noire de la sentinelle flamande qui y avait été placée, deux formes blanches, dont la vue frappa Wilkin de plus de terreur qu’il n’en avait éprouvé pendant le terrible combat du jour précédent.

« Mon père, dit-il, ayez recours aux oraisons ; es spuct : j’aperçois ici deux fantômes. »

Le bon père, quoique prêtre, n’avait point appris à défier l’esprit malin, qu’il avait craint, étant prêtre, plus que tout ennemi mortel ; il commença donc à répéter en tremblant l’exorcisme de l’Église : « Conjuro vos omnes, spiritus maligni, magni atque parvi, » quand il fut interrompu par la voix d’Éveline, qui s’écria : « Est-ce vous, père Aldrovand ? »