De l’oubli qui pesait sur eux,
Mourut ignoré de l’envie
Et de l’avenir oublieux. »
La douceur de sa voix, la beauté de la musique simple et vraie, donnèrent à ce chant tout le charme que le ménestrel eût pu demander, et dont sa poésie avait grand besoin ; je doute même qu’on puisse lire son œuvre dépouillée de ces avantages, quoique je pense que la copie que je donne ici ait été accommodée par Waverley au goût de ceux à qui l’ancienne poésie n’aurait su plaire :
La veille de Toussaint, de peur d’être maudit,
Le soir, bénis ta couche et saisis ton rosaire ;
Fais le signe de croix en cessant ta prière,
Et chante le credo quand l’ave sera dit.
Au loin, des nuits alors la sorcière voyage ;
Que le vent siffle ou dorme, elle marche à grands pas :
Sur un rayon de lune ou bien sur un nuage,
Son cortège s’élance et ne la quitte pas.
Au fauteuil Saint Médard vient s’asseoir une femme ;
La rosée a mouillé l’or pur de ses cheveux ;
Mais si sa joue est pâle, elle ouvre un œil de Gamme ;
Sa parole est hautaine en exprimant ses vœux.
Elle a redit les mots que le saint fit entendre,
Quand, pieds nus, poursuivant la sorcière à minuit,
Il l’arrêta soudain, et du char de la nuit,
Son imposante voix l’obligea à descendre.
Au fauteuil Saint-Médard quiconque ose siéger
Quand, la nuit, la sorcière aux champs va se morfondre,
Par sortilège il peut trois fois l’interroger,
Et malgré son courroux la forcer de répondre.
Avec le roi Kobeit est parti le baron,
Et depuis trois longs ans que le sort le promène,
La châtelaine ignore où brille son fleuron :
L’apprendre est le sujet qui dans ces lieux l’amène.
Elle s’agite et tremble au charme prononcé.
Était-ce du hibou la voix rauque et sauvage.
Ou la joie infernale et le rire poussé
Quand le démon parcourt un verdoyant rivage ?
Le courroux du torrent a cessé de rugir.
Et du vent mutiné le murmure s’arrête :
Ce calme plus terrible encor que la tempête
Annonçait l’ombre vaine au moment de surgir[2].