Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/182

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culier et peu ordinaire, qu’on ne pouvait s’arroger qu’il y a soixante ans.

Si Fergus Mac-Ivor eût vécu soixante ans plus tôt, il est très-probable qu’il eût possédé moins de ces manières polies et de cette connaissance du monde dont il était doué ; et s’il eût vécu soixante ans plus tard, son ambition et son attachement aux lois auraient modéré l’ardeur qui le caractérisait personnellement. Il était vraiment, dans sa petite sphère, aussi parfait politique que Castruccio Castrucani lui-même. Il s’appliqua avec la plus vive ardeur à apaiser toutes les querelles et toutes les dissensions qui s’élevaient fréquemment au milieu des autres clans de son voisinage : aussi le prenaient-ils souvent pour arbitre de leurs discussions. Il fortifia sa propre autorité patriarcale au moyen de toutes les dépenses que sa fortune lui permettait de faire ; il employa tous les moyens pour maintenir cette hospitalité grossière mais abondante, attributs appréciés particulièrement chez un chef. Par la même raison, il remplit ses possessions de tenanciers braves et propres à la guerre, mais dont le nombre n’était pas proportionné aux productions que le sol pouvait offrir. Ces tenanciers se composaient surtout de ceux de son propre clan, et, autant qu’il était en son pouvoir de l’empêcher, il ne souffrait pas qu’ils quittassent ses domaines. Il s’attachait aussi quelques aventuriers du clan dont il descendait, et qui abandonnaient un chef moins guerrier, quoique plus riche, pour rendre hommage à Fergus Mac-Ivor ; même d’autres individus qui ne pouvaient alléguer cette excuse, étaient reçus dans ses domaines, dont l’entrée n’était refusée à aucun de ceux qui, comme Poins[1], étaient disposés aux coups de main, et désireux de porter le nom de Mac-Ivor.

Bientôt il put discipliner ses forces, ayant obtenu le commandement de l’une de ces compagnies indépendantes levées par le gouvernement pour maintenir la paix dans les Highlands. Tant qu’il fut revêtu de cette dignité, il sut agir avec vigueur et intelligence, et le plus grand ordre régna dans le pays où il commandait. Il fit entrer ses vassaux à tour de rôle dans sa compagnie, les faisant servir pendant un certain espace de temps, ce qui leur donna à tous des notions générales sur l’art militaire. Dans ses campagnes contre les bandits on s’aperçut qu’il s’arrogeait un pouvoir tout à fait discrétionnaire qui, tandis que les lois n’a-

  1. Un des personnages de la tragédie de Shakspeare, intituée Henri IV. a. m.