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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/338

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avait parfois une aisance extraordinaire d’élocution, et dans cette soirée il s’éleva avec succès jusqu’aux matières les plus sérieuses, et redescendit avec bonheur aux sujets gais et badins ; il était encouragé et soutenu par tous les bons esprits qui cédaient à l’impulsion du moment : ceux même d’habitude plus froids et plus réfléchis étaient entraînés par le torrent. Plusieurs dames abandonnèrent la danse, et sous diverses prétextes se réunirent au groupe qui s’était formé autour du jeune et bel Anglais. On le présenta à plusieurs femmes de haut rang, et ses manières, dégagées alors de l’embarras timide qui, à moins d’aussi belle occasion, les contraignait d’ordinaire, firent les délices de l’assemblée.

Flora Mac-Ivor semblait la seule de toutes les femmes présentes qui le regardât avec un peu de froideur et de réserve. Toutefois elle ne put cacher sa surprise en apercevant des talents qu’elle ne l’avait jamais vu, depuis qu’ils se connaissaient, déployer avec autant d’éclat et d’effet. Je ne sais si elle n’éprouva point un certain regret d’avoir si brusquement dédaigné les vœux d’un amant qui paraissait destiné à tenir un rang honorable parmi les plus hautes classes de la société. Certainement elle avait jusqu’alors compté parmi les défauts incorrigibles d’Édouard sa mauvaise honte. Élevée dans les cercles brillants d’une nation étrangère, peu habituée à la réserve des manières anglaises, cette imperfection lui paraissait trop voisine de la timidité et de la faiblesse de caractère ; mais si elle souhaita un instant que Waverley se fût toujours montré aussi aimable, aussi attrayant, ce souhait passa bien vite, car il était arrivé depuis leur séparation des choses qui rendaient, suivant elle, la résolution qu’elle avait prise à son égard décisive et irrévocable.

Avec des sentiments bien différents, Rose Bradwardine était toute âme pour entendre ; elle ressentait une joie secrète du tribut d’éloges publiquement payé à un jeune homme dont elle avait trop tôt et trop bien su apprécier le mérite. Sans jalousie, sans crainte, sans chagrin, sans inquiétude, sans le moindre mouvement d’égoïsme, elle s’abandonnait au plaisir d’observer les murmures unanimes d’approbation. Quand Édouard parlait, elle avait l’oreille toute pleine de sa voix, quand d’autres répondaient, ses yeux se mettaient à leur tour en observation et épiaient sa réponse. Peut-être le plaisir qu’elle éprouva dans le cours de cette soirée, quoique passager et suivi par tant de cha-