Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bornées ne convenaient pas plus à son âge et à son sexe, qu’un vieil uniforme de son père n’aurait convenu à sa personne. La plupart de ces décisions de l’excellent colonel Talbot provenaient de sa mauvaise humeur et de ses préjugés. Pour lui, une cocarde blanche sur la poitrine, une rose blanche dans les cheveux, un Mac au commencement d’un nom, auraient changé un ange en diable. Il disait en plaisantant, qu’il n’aurait pas reçu Vénus elle-même, si elle s’était fait annoncer à la porte de son salon sous le nom de miss Mac-Jupiter[1].

On pense bien que Waverley voyait les jeunes demoiselles avec d’autres yeux. Pendant le siège, il ne passait pas un jour sans les visiter, mais il remarquait avec chagrin que, malgré son assiduité, il ne faisait pas plus de progrès dans l’affection de la première que le Prétendant n’en faisait dans le siège de la forteresse. Elle ne s’écartait jamais de la règle qu’elle s’était tracée, le traitant avec indifférence, aussi éloignée de rechercher que d’éviter un tête-à-tête avec lui. Pas un mot, pas un regard qui ne fût d’accord avec son système ; ni l’abattement de Waverley, ni le mécontentement de Fergus, qui ne prenait pas la peine de déguiser sa mauvaise humeur, ne pouvaient décider Flora à dépasser, en faveur de Waverley, les limites ordinaires de la politesse. D’un autre côté, Rose Bradwardine faisait des progrès dans l’opinion de Waverley. Dans plusieurs occasions, il s’aperçut que sitôt qu’elle avait surmonté sa timidité, ses manières prenaient de la dignité et de la noblesse ; que les agitations et les troubles de ces temps critiques lui inspiraient des sentiments élevés, un langage énergique, qu’il n’avait pas encore remarqués en elle ; enfin, qu’elle ne laissait échapper aucune occasion d’étendre ses connaissances et de perfectionner son goût.

Flora Mac-Ivor appelait Rose son élève ; elle prenait plaisir à la diriger dans ses études, à développer son goût et son intelligence. Un observateur très-attentif aurait remarqué qu’en présence de Waverley, elle prenait plus de peine pour faire briller les talents de son amie que les siens propres. Mais je supplie le lecteur de croire que cette conduite généreuse et désintéressée était déguisée avec la plus ingénieuse délicatesse, et que nul n’aurait pu y démêler la moindre trace d’affectation. Cela ne ressemblait pas plus au manège si commun d’une jolie femme qui en prône une autre, que l’amitié de David et de Jonathas

  1. Mac, dans les noms écossais, veut dire fils ou fille. Mac-Ivor, fils d’Ivor.