Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/425

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la scène. Mais n’importe : asseyons-nous sur cette colline ; au moins le Saddlebach et l’Ulswater s’accorderont mieux avec ce que j’ai à vous dire que les haies vives, les clôtures et les fermes Anglaises. Vous saurez donc que quand mon aïeul Jan nan Chaistel dévasta le Northumberland, il avait pour associé dans cette expédition une espèce de chef du nord, un capitaine d’une bande de Lowlandais, nommé Halbert Hall. À leur retour, en traversant les monts Cheviots, ils se querellèrent pour le partage de l’immense butin qu’ils rapportaient avec eux ; des paroles ils passèrent aux coups. Tous les Lowlandais furent tués ; pas un seul n’échappa ; leur chef tomba le dernier, couvert de blessures que lui avait portées mon aïeul. Depuis, son esprit apparaît aux Vich-Jan-Vohr, le jour où quelque grand malheur doit leur arriver, mais surtout aux approches de leur mort. Mon père l’a vu deux fois ; la première avant d’être fait prisonnier à Shériff-Muir ; la seconde, le matin du jour où il mourut. » — « Comment pouvez-vous, mon cher Fergus, dire de pareilles folies d’un air sérieux ? » — « Je ne vous demande pas de me croire ; mais je vous dis une vérité confirmée par l’expérience de plus de trois cents ans, et hier au soir par le témoignage de mes yeux. »

« Expliquez-vous, au nom du ciel ! » reprit Waverley avec vivacité. — « Oui, mais à condition que vous ne plaisanterez pas sur ce sujet. Depuis que cette malheureuse retraite est commencée, à peine si j’ai pu goûter un moment de sommeil, tant je pensais à mon clan ; à ce pauvre prince qu’on ramène en arrière, comme un chien en laisse, de bon gré ou de force ; à la ruine de ma famille. Cette nuit dernière j’ai été si dévoré par la fièvre, que je suis sorti de mon quartier, et me suis mis à marcher à travers la campagne, dans l’espoir que le grand air et la rigueur du froid me calmeraient. Je ne puis vous dire combien il m’en coûte de continuer, parce que je sais que vous ne voudrez pas me croire ; mais n’importe ! Je passai sur un petit pont, et je me promenais de long en large, quand, à mon grand étonnement, je vis, à la clarté de la lune, une grande figure enveloppée d’un plaid gris, comme celui que portent les bergers dans le midi de l’Écosse. — que je précipitasse ou que je ralentisse ma marche, elle se tenait toujours à quatre pas devant moi. » — « Vous avez vu un paysan de Cumberland, avec son vêtement ordinaire, très-probablement. — Pas du tout ; je le crus d’abord, et j’étais étonné de l’audace de cet homme de s’attacher à mes pas. Je lui