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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/476

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Là, dans une vallée obscure et solitaire,
Son regard aperçut une simple chaumière,
Construite de roseaux et murée en gazon,
Où la vieille habitait, s’entourant d’une haire,
Et maudissant le monde en disant l’oraison.
C’est là qu’elle rêvait à de noirs artifices,
Et que tous les démons lui devenaient propices.


Tout en récitant ces vers, il approchait de la cabane. La pauvre vieille Jeannette, courbée en deux par l’âge, aveuglée par la fumée de tourbe, s’occupait à balayer la maison, et parlait toute seule en nettoyant de son mieux le foyer et le plancher, pour recevoir les hôtes qu’elle attendait. Au bruit des pas de Waverley, elle tressaillit, leva la tête et se mit à trembler de tous ses membres, comme si elle souffrait la torture pour sauver son maître. Waverley eut peine à lui faire comprendre que le baron n’avait plus rien à craindre pour sa personne ; et dès qu’elle fut persuadée de cette heureuse nouvelle, il ne fut pas moins difficile de lui ôter sa conviction qu’il rentrait dans tous ses biens. « Ce serait pourtant justice, disait-elle ; toute justice ; personne n’aurait l’imprudence de lui voler un brin d’herbe, si seulement ou voulait lui pardonner. Quant à cet Inch-Grabbit, je souhaiterais bien d’être sorcière pour le punir, si je ne craignais pas que le diable me prît au mot. » Waverley lui remit alors quelque argent, et lui promit que sa fidélité ne resterait pas sans récompense. « Et quelle plus belle récompense, dit Jeannette, peut-il m’arriver, monsieur, que de voir mon vieux maître et miss Rose revenir et vivre encore tranquilles ? »

Waverley prit alors congé de Jeannette, et arriva bientôt au Patmos du baron. Après un léger coup de sifflet, il vit le vétéran s’avancer pour reconnaître, comme un vieux blaireau qui sort la tête de son trou. « Vous venez de bonne heure, mon cher enfant, dit-il en descendant ; il me semble que les rouges n’ont pas encore battu la retraite ; alors point de sûreté pour nous. »

« Bonnes nouvelles ne peuvent être dites trop tôt, » répondit Waverley, et il lui communiqua avec des transports de joie la lettre de Talbot.

Le vieillard resta quelques minutes silencieux et ravi, puis il s’écria : « Dieu soit loué ! je reverrai ma fille. »

« Et pour ne jamais la quitter, j’espère, » dit Waverley. — « Oui, je le jure ! à moins que ce ne soit pour tâcher de subvenir à ses besoins, car ma fortune est dans un pitoyable état ; mais à quoi bon les richesses du monde ? »