Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/68

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une couleur particulière à ces passions ; mais, pour me servir du langage du blason, l’empreinte de l’armoirie ne change pas, quelle que soit la couleur que l’on emploie. La colère de nos ancêtres était fond de gueules, éclatant contre les objets de leur inimitié par des actes de violence et de sang.

Nos sentiments de haine, à nous qui prenons contre nos ennemis des voies détournées et cherchons à miner les obstacles que nous ne pouvons enlever, peuvent se peindre par la couleur champ de sable ; mais en nous intérieurement les mobiles sont les mêmes. Le pair orgueilleux qui ne peut maintenant ruiner son voisin que selon la loi par des procès sans fin, est le vrai descendant du baron qui mettait le feu au château de son compétiteur, et l’assommait lorsqu’il cherchait à échapper à l’incendie. Le livre dont j’ose offrir au public un chapitre, est pris du grand livre de la nature, de ce livre toujours nouveau, malgré les mille éditions qu’on en a faites, soit en caractères noircis par le temps, soit sur notre papier vélin et satiné. L’état de la société dans le nord de l’île, à l’époque de mon histoire, m’offrait en plusieurs occasions d’heureux contrastes, que j’ai dû exploiter pour varier et parer la morale de mon ouvrage, ce que je regarde, il est vrai, comme la partie la plus importante de mon plan, quoique je sache du reste que je ne puis atteindre mon but qu’en mêlant l’agréable à l’utile, tâche bien plus difficile à remplir avec la génération critique de notre époque qu’elle ne l’était il y a soixante ans.


CHAPITRE II.

MANOIR DE WAVERLEY. COUP D’ŒIL SUR LE PASSÉ.


Il y a donc soixante ans qu’Édouard Waverley, le héros de mon histoire, prit congé de sa famille pour joindre le régiment de dragons où il venait d’obtenir un brevet d’officier. Ce fut un jour de deuil à Waverley-Honour quand le jeune officier quitta sir Éverard, son vieil oncle, qui l’aimait tendrement, et dont il devait hériter des biens et du titre.

Une différence d’opinions politiques avait divisé depuis long-