Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/73

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On conçoit facilement l’accueil favorable que reçut sir Éverard dans cette famille. Mais, malheureusement pour lui, son choix se fixa sur lady Émilie, la plus jeune des six filles du pair ; et elle agréa ses hommages avec un embarras qui montrait qu’elle n’osait les repousser, et qu’elle n’en éprouvait aucun plaisir. Sir Éverard ne manqua pas de remarquer quelque chose de singulier dans la contenance réservée de la jeune personne en accueillant ses avances. Mais la prudente comtesse lui ayant assuré que c’était l’effet naturel de l’éducation retirée que sa fille avait reçue, le mariage se fût fait, comme il est arrivé souvent en mainte occasion semblable, sans le courage d’une sœur aînée qui révéla au riche prétendu que lady Émilie aimait un jeune officier de fortune, leur proche parent. Sir Éverard parut très-ému en apprenant cette nouvelle qui lui fut confirmée, dans une entrevue particulière, par la jeune personne elle-même, toute tremblante d’attirer sur elle la colère de son père.

L’honneur et la générosité étaient les attributs héréditaires de la maison des Waverley : sir Éverard, avec une grâce et une délicatesse dignes d’un héros de roman, renonça aussitôt à la main de lady Émilie ; il obtint même, avant de quitter le château de Blandeville, que son père consentirait au mariage de sa fille avec l’objet qu’elle avait préféré. On ne sait trop quels arguments sir Éverard employa dans cette circonstance, car il ne passait pas pour être habile dans l’art de persuader. Quoi qu’il en soit, presque aussitôt le jeune officier avança en grade plus rapidement que ne le fait ordinairement le mérite sans protection, et cependant le jeune homme ne paraissait avoir que son mérite.

L’échec que reçut sir Éverard dans cette occasion, quoique affaibli par la conscience d’avoir fait une action noble et généreuse, décida du reste de sa vie. Il avait pris la résolution de se marier dans un mouvement d’indignation ; les manières d’un soupirant n’étaient nullement en rapport avec ses habitudes de fierté et d’indolence ; il venait d’échapper au danger d’épouser une femme qui ne l’aurait jamais aimé ; et quand son cœur n’en eût pas souffert, le résultat de sa demande n’était guère fait pour flatter son orgueil. En définitive, il revint à Waverley-Honour sans avoir pris goût pour une autre femme, malgré les soupirs langoureux de la belle officieuse, qui n’avait révélé l’inclination d’Émilie que par une pure affection de sœur ; malgré les signes de tête, les coups d’œil, les mots adroits de la mère et les éloges que, d’un air