Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/77

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et d’une nouveauté conquise. Édouard se jetait avec empressement sur tout auteur classique dont son précepteur lui proposait la lecture ; il ne tardait pas à se familiariser assez avec le style pour comprendre les faits, et s’il trouvait l’ouvrage amusant ou intéressant, il en achevait la lecture : mais il eût tenté vainement de fixer son attention sur les observations critiques de philologie, sur la différence des langues, la beauté d’une expression heureuse et les artifices de la syntaxe. « Je sais lire et comprendre un auteur latin, disait le jeune Édouard avec sa légère et présomptueuse raison de quinze ans ; Scaliger ou Bentley n’eussent pas fait mieux à mon âge. » Hélas ! tandis qu’on lui permettait ainsi de lire pour son plaisir, il ne s’apercevait pas qu’il perdait à jamais l’occasion d’acquérir l’habitude d’une application fixe et assidue, et l’art d’examiner, de diriger, de concentrer ses facultés morales pour une investigation sérieuse, art bien plus important que cette instruction classique, objet principal de l’éducation.

On me dira sans doute qu’il est nécessaire de rendre la science agréable à la jeunesse, et l’on me rappellera ces vers où le Tasse dit qu’il faut mêler du miel à la potion destinée pour l’enfant ; mais dans un siècle où les enfants sont initiés aux sciences les plus arides par la méthode pénétrante de jeux instructifs, on ne doit pas craindre les conséquences d’un enseignement trop sérieux et trop sévère. L’histoire d’Angleterre est aujourd’hui réduite à un jeu de cartes, les problèmes de mathématiques à des jeux d’énigmes, et nous sommes sûrs qu’on peut apprendre l’arithmétique en une semaine, en jouant quelques heures sur le tableau nouveau et compliqué du royal Jeu de l’Oie ; encore un pas, et l’on apprendra de la même manière le Credo et les Dix Commandements, sans avoir besoin d’un visage grave, d’un ton solennel, et de l’attention soutenue exigée jusqu’ici des enfants bien élevés du royaume. Ce pourrait être néanmoins le sujet de considérations sérieuses de savoir si ceux qu’on habitue à acquérir l’instruction par la voie de l’amusement n’en viennent pas à rejeter tout ce qui se présente à eux sous la forme d’études ; si ceux qui apprennent l’histoire dans les cartes n’en viennent pas à préférer le moyen au but ; et si, en apprenant à nos élèves la religion par un jeu, nous ne les portons pas à se faire un jeu de la religion. Quant à notre jeune héros à qui l’on permit de ne chercher l’instruction que d’après ses caprices, et qui conséquemment ne chercha que celle qui l’amusait, l’indulgence de ses maîtres porta