Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tourna le jeune homme des réflexions qu’il faisait sur la singularité, sur le mystère de son sort ; et il fixa son attention sur tout ce qu’elle faisait ou disait. Elle parlait peu, et seulement sur les sujets les plus sérieux. Elle joua du piano à la demande de son père, mais ce furent des hymnes qu’elle chanta en s’accompagnant. Enfin, sur un signe du sage, elle quitta la chambre, et en sortant elle jeta sur le jeune étranger un regard inexprimable d’inquiétude et d’intérêt.

Le vieillard conduisit alors le jeune homme dans son cabinet, et s’entretint avec lui sur les points les plus importants de la religion, pour s’assurer par lui-même qu’il pouvait rendre raison de la foi qu’il professait. Durant cet examen le jeune homme, en dépit de lui-même, sentait son esprit s’égarer, et ses pensées se porter sur la charmante vision qui lui était apparue pendant le repas. S’apercevant de ces moments d’oubli, l’astrologue devenait grave et secouait la tête ; toutefois, il fut en général satisfait des réponses du jeune homme.

Au coucher du soleil on le conduisit au bain ; lorsqu’il en fut sorti, on le vêtit d’une robe à peu près semblable à celles que portent les Arméniens ; ses longs cheveux tombaient sur ses épaules ; il avait le cou, les mains et les pieds nus. Ainsi vêtu, on le conduisit dans une chambre écartée, entièrement dépourvue d’ameublement, à l’exception d’une lampe, d’une chaise, et d’une table sur laquelle était une Bible. « Je dois vous laisser seul en ces lieux, lui dit l’astrologue, pour passer l’instant le plus critique de votre vie. Si vous pouvez, en vous rappelant les grandes vérités dont nous avons parlé, repousser les attaques qui seront dirigées contre votre courage et vos principes, vous n’avez rien à craindre, mais l’épreuve sera dure et sévère. » Ses traits alors prirent une solennité pathétique, des larmes roulèrent dans ses yeux, et d’une voix que l’émotion rendait tremblante, il lui dit : « Cher enfant, à ta naissance je prévis cette fatale épreuve ; puisse le ciel te faire la grâce de la supporter avec fermeté ! »

Le jeune homme fut laissé seul ; presque aussitôt, le souvenir de tous ses péchés de commission et d’omission, rendu plus terrible encore par la sévérité de son éducation, vint frapper son esprit : comme des furies armées de fouets de feu, ils semblaient vouloir le réduire au désespoir. Tandis qu’il combattait ces terribles images avec des pensées distraites, mais avec un cœur résolu, il s’aperçut qu’un autre que lui répondait à ses arguments par des sophismes, et que la dispute ne se passait plus seulement dans l’intérieur de