Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/123

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contre mon honneur ne me met-elle pas dans une situation semblable ? Une insulte, en pareil cas, quelque légère qu’elle soit en elle-même, a sous tous les rapports une importance plus grande pour ma vie que le tort que peut me faire un brigand qui me volerait sur le grand chemin. Les lois ont moins de force pour me venger, ou, pour mieux dire, cette offense échappe à leur pouvoir. Qu’un homme veuille m’enlever ma bourse, si je n’ai pas le courage ou les moyens de m’y opposer, les assises de Lancaster ou de Carlisle[1] me feront justice en pendant le voleur. Qui dira cependant que j’étais obligé d’attendre cette justice, et de me laisser piller d’abord, si j’ai en moi le courage nécessaire pour protéger ma propriété ? Et si l’on me fait un affront qui imprime une tache éternelle à mon caractère aux yeux des hommes d’honneur, et auquel les douze juges d’Angleterre, le chancelier à leur tête, ne peuvent apporter aucun remède, quelle loi ou quel motif peut m’empêcher de protéger ce qui doit être et ce qui est infiniment plus précieux à un galant homme que sa fortune et sa vie ? Je n’agiterai pas la question sous son point de vue religieux, jusqu’à ce que je trouve un révérend théologien qui condamne la défense personnelle lorsqu’il s’agit de la vie et de la propriété. Si on l’admet en ce cas, on ne peut me faire un crime de défendre mon honneur. Si ma réputation est exposée aux attaques de personnes d’une moralité peut-être sans tache ou d’un beau caractère, on ne peut encore me contester le droit légitime de la défense personnelle. Je serais fâché que les circonstances m’eussent engagé dans un combat singulier avec de tels hommes, mais j’éprouverais le même sentiment pour un ennemi généreux qui tomberait sous mon épée dans une guerre nationale. Toutefois je laisse aux casuistes le soin de décider cette question ; je ferai observer seulement que ce que je viens d’écrire n’est pas en faveur du duelliste de profession, ou de celui qui est l’agresseur dans une affaire d’honneur. Je veux seulement excuser celui qui est amené sur le terrain par une insulte telle, qu’en la laissant passer impunie il perdrait pour toujours le rang l’estime dont il jouit dans la société.

« Quoique fâché que vous ayez l’intention de vous établir en Écosse, je suis flatté que ce ne soit pas à une distance immense et dans une partie trop reculée. Aller du Devonshire au Westmoreland est un voyage qui ferait frissonner un habitant des Indes orien-

  1. Villes principales de deux comtés de l’Angleterre, du Lancastershire et du Cumberland. a. m.