Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/184

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mieux que lui. — Oui, dit un autre, il est sans doute tout honteux, car nous l’aurions vu ici ce soir : Gabriel aime les bonnes choses autant qu’aucun de nous. — Est-il de ce pays ? demanda Brown. — Non, non, il y a très peu de temps qu’il est ici ; mais c’est un excellent chasseur ; il vient des environs du comté de Dumfries. — Et quel est son nom, je vous prie ? — Gabriel… — Mais Gabriel qui ? — Oh ! Dieu le sait… nous ne nous embarrassons pas beaucoup des surnoms ici ; le même sert pour tout une famille. — Vous voyez, monsieur, dit un vieux berger en se levant et en parlant très haut, les gens qui sont ici sont tous des Armstrong et des Elliot[1] ; et les fermiers, pour se distinguer, prennent le nom des endroits où ils demeurent : ainsi, par exemple, Tom de Todshaw, Will du Flat, Hobbie de Sorbietrees, et notre bon maître que voilà, de Charlies-Hope. Eh bien, monsieur ! vous observerez que les gens de la classe inférieure sont connus par des sobriquets, comme Glack et Christie et Davie du Denke, ou encore d’après leur emploi, comme Gabriel du renard, ou Gabriel le veneur. Il n’y pas longtemps qu’il demeure ici, monsieur, et je ne pense pas que personne le connaisse sous un autre nom. Mais il n’est pas bien de parler de lui en arrière, car c’est un habile chasseur, quoiqu’il ne soit peut-être pas tout-à-fait aussi fort au waster que quelques-uns d’entre nous. »

La conversation continua encore quelque temps, toute décousue, et les maîtres se retirèrent pour achever la soirée à leur manière, laissant leurs inférieurs se livrer à la joie que leur présence avait arrêtée. Cette soirée, comme toutes celles que Brown avait déjà vues à Charlies-Hope, se passa dans une innocente gaîté et dans les douceurs de la table. Ces dernières même auraient peut-être été poussées jusqu’à l’excès, sans les bonnes ménagères ; car plusieurs mistress du voisinage (terme qui ici avait une signification bien plus étendue que celle qu’on lui donne dans le grand monde) s’étaient rassemblées à Charlies-Hope pour voir le résultat de cette soirée mémorable. Trouvant qu’on remplissait trop souvent le bol de punch, et qu’elles couraient grand danger d’être oubliées, malgré

  1. La distinction des individus par des surnoms, lorsqu’ils n’ont point de propriété, est encore un usage commun sur la frontière et vraiment nécessaire, car le même nom est porté par bon nombre de personnes. a. m.